Le gouvernement du Québec augmente de centaines de dollars le prix des loyers des ressources à assistance continue où vivent des personnes vulnérables, dépendantes de l’aide sociale, qui risquent de se retrouver à la rue.
Dans une lettre envoyée à moins de trois semaines de préavis, dont Métro a obtenu une copie, les usagers des ressources à assistance continue (RAC) ont appris que leur loyer mensuel augmenterait dès le premier mars.
Par exemple, certains usagers qui pouvaient payer entre 550$ et 650$ par mois devront débourser entre 850$ et 1025$ mensuellement, indique Cynthia*, une employée d’une de ces ressources.
Il s’agit donc en moyenne d’une augmentation de 200$ à 300$ par mois.
Risque de se retrouver à la rue
Les RAC hébergent des personnes qui ont des troubles graves de comportements avec un diagnostic de déficience intellectuelle, d’autisme ou de déficience physique.
Chaque ressource accueille entre quatre et huit résidents qui ont besoin d’avoir une supervision 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. «Souvent, quand ils se retrouvent dans nos services, c’est qu’ils ont été mis dehors de tous les autres services du réseau et on est comme leur dernière option», souligne Cynthia.
À la suite de l’annonce de la hausse de loyer, certains usagers des RAC ont déjà essayé de visiter des appartements. «On sait très bien que s’ils décident de partir, ils risquent de se retrouver dans la rue», craint l’employée.
Elle ajoute que certains résidents ont même vécu dans la rue auparavant. «Ils se faisaient mettre dehors de tous les autres milieux où ils étaient. C’est grâce à l’endroit où ils sont qu’ils ne sont pas dans la rue.»
«lls n’ont déjà pas grand chose»
Appelé à réagir, le cabinet du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, indique «il n’y aura pas d’impact sur la capacité de payer de l’usager étant donné que la contribution est établie en fonction de son revenu. De ce fait, la contribution sera ajustée de façon à ce que chaque mois, un montant fixe minimal d’environ 256$ lui reste pour les dépenses personnelles de l’usager.»
Pour certains résidents, cela coupe environ de moitié leur argent de poche, déplore Cynthia. «On parle de personnes qui n’ont déjà pas grand chose dans la vie, donc de leur enlever le peu de choses qu’ils ont, c’est assez particulier», fait valoir Cynthia.
De plus, ce sont des personnes qui sont dans l’impossibilité de travailler. «Vu qu’ils sont souvent sous contraintes sévères à l’emploi à l’aide sociale, ils n’ont pas de possibilité d’augmenter leurs revenus pour avoir plus d’argent, ajoute Cynthia. Ils n’ont pas d’autres options.»
Isolement et criminalité
Avec moins d’argent dans leurs poches, les usagers des RAC risquent de s’isoler davantage, prévient Cynthia. En effet, l’augmentation de loyer «leur coupe assez drastiquement la moitié de l’argent qui est disponible pour faire leurs activités».
Quelques personnes vivent également avec des dépendances à des substances. «En coupant de moitié le budget, ça peut être un gros choc pour certains de diminuer drastiquement leur consommation», mentionne Cynthia.
Elle s’explique mal cette augmentation de loyer soudaine. «Si ça avait été graduel, on aurait pu les accompagner pour diminuer graduellement leur consommation. Mais en l’espace de deux semaines, c’est trop rapide pour eux.»
La femme pense que certains pourraient se tourner vers la criminalité pour avoir accès à leur consommation, ce qui les met à risque d’être judiciarisés. «Ils n’ont pas le jugement nécessaire pour bien évaluer la situation», ajoute Cynthia.
L’attachée de Lionel Carmant, Sarah Bigras, ajoute que les montants qui sont pris en compte dans le calcul de la contribution des usagers sont indexés annuellement selon l’indice des rentes établi en conformité de l’article 117 de la Loi sur le régime de rentes du Québec. «Depuis janvier 2021, avec l‘indexation, le maximum de contribution est de 1025$ par mois de contribution», écrit-elle.
*Le nom de la personne a été changé pour conserver son anonymat