La pandémie pose un défi supplémentaire pour les parents d’enfants lourdement handicapés, pourtant habitués d’être privés de liberté.
Ne pas pouvoir sortir après 20 heures, le confinement et l’isolement, c’était le quotidien de Marie-Claude Senécal bien avant la pandémie.
L’une de deux ses filles, Joanie, a un syndrome génétique rare ayant causé une hémorragie cérébrale à la naissance. Désormais âgée de 19 ans, cette dernière ne peut pas marcher et parler. Elle ne peut pas non plus manger et se laver seule.
«On était habitués à rester seuls avant la pandémie. Là, c’est comme un confinement dans un confinement. On sort encore moins qu’avant, c’est trop risqué », témoigne la mère monoparentale. Elle se permet une promenade par jour avec sa fille, mais cette dernière ne va plus à l’école ou même à l’épicerie, où elle tente d’arracher son masque.
Moins de services
Mme Senécal continue toutefois de travailler à temps plein comme enseignante de français au secondaire, en mode virtuel. «Je ne peux pas enseigner à la maison sans aide. Il faut que quelqu’un soit là en tout temps pour aider Joanie à manger, changer sa couche», illustre-t-elle.
Or, le contexte fait en sorte que l’aide à domicile, déjà limitée avant la pandémie, est encore plus difficile à trouver.
L’organisme L’Étoile de Pacho vient en aide à 400 familles avec des enfants lourdement handicapés dans la région de Montréal. Depuis le début de la pandémie, la directrice et fondatrice, Nathalie Richard, reçoit encore plus régulièrement des appels de détresse de parents.
« Les écoles et les centres de répit ont rouvert, mais les parents épuisés auraient besoin de beaucoup plus […] Ces petits moments de liberté qu’on grappillait, ils n’existent plus », explique-t-elle.
Les conséquences du délestage
David, le fils de Mme Richard, est lourdement handicapé en raison du même syndrome que Joanie. Il n’a pas mis les pieds à l’hôpital depuis plus d’un an.
Les suivis se font par téléphone et sont moins fréquents qu’avant. Les consultations en personne sont réservées aux urgences. Or, dans le cas de l’adolescent de 14 ans, des prises de sang régulières permettraient de détecter des anomalies invisibles à l’œil nu, potentiellement sources de nouveaux problèmes de santé.
Quant à Joanie, elle s’est cognée lors d’une crise d’épilepsie. Depuis, l’une de ses dents noircit. Son rendez-vous chez le dentiste nécessite une anesthésie générale. Plus le rendez-vous tardera, plus les chances de sauver la dent s’amenuiseront. Il faudra alors l’arracher complètement.
« Quand on parle de la clientèle des hôpitaux affectée par le délestage, c’est nous », laisse tomber Mme Senécal.