Avant le décès de Joyce Echaquan, le docteur Innu Stanley Vollant minimisait tellement les histoires de racisme subies dans le réseau de la santé qu’il était lui-même devenu «un peu raciste», confie-t-il dans un reportage vidéo du Devoir.
«Transformé» par le système, le premier chirurgien autochtone au Québec avait l’impression d’être comme une pomme. «On est rouge à l’extérieur, on est Autochtone, mais à l’intérieur, on est blanc, illustre-t-il. Il a fallu que je me donne une claque dans la face pour me dire ‘je suis un Innu’».
Un article publié dans Le Devoir mardi met en lumière une vingtaine de témoignages d’Autochtones victimes de mauvais traitements alors qu’ils allaient chercher des soins de santé.
Bien qu’il ait lui-même recueilli plusieurs de ces récits dramatiques de la part d’Autochtones, Stanley Vollant admet qu’il n’y croyait pas.
«J’avais de la misère à croire à ces histoires-là malgré que les éléments qui m’étaient rapportés étaient quand même très sérieux. J’essayais peut-être un peu de faire l’autruche», affirme le chirurgien général à l’hôpital Notre-Dame à Montréal.
L’Affaire Echaquan, «une claque dans la figure»
Pour le docteur Innu, tout a basculé lorsque Joyce Echaquan, une de mère de famille atikamekw, est décédée sous les insultes racistes du personnel médical au Centre hospitalier régional de Lanaudière en septembre dernier.
«Quand j’ai vu les images de l’événement de Joyce Echaquan, ça m’a donné une claque dans la figure. J’ai dit: ‘j’ai honte de moi parce que je suis devenu une pomme’. J’ai ignoré le cri de détresse de plusieurs de mes frères et de mes sœurs parce que je faisais partie de l’autre gang», mentionne-t-il.
Stanley Vollant est d’avis qu’il faut mettre en place des politiques de «tolérance zéro» envers le racisme dans les établissements de santé.
De plus, il pense que des formations interculturelles sont nécessaires pour montrer au personnel médical allochtone quel était «le vrai visage de l’autochtonie» et ainsi défaire les idées préconçues sur les Premières Nations.
D’ailleurs, dès son arrivée dans le milieu, le Dr Vollant s’est donné comme mission de montrer par son exemple à ses collègues que «les Autochtones peuvent être un plus pour la société».
Par ailleurs, Stanley Vollant propose de créer, dans tous les centres hospitaliers qui reçoivent des patients autochtones, des postes d’ombudsman tenus par des personnes de la communauté.
Enquête publique sur le décès de Joyce Echaquan
C’est ce jeudi que débuteront les audiences publiques portant sur le décès de Mme Echaquan. Celles-ci se tiendront du 13 mai au 2 juin 2021 au palais de justice de Trois-Rivières.
C’est la coroner et avocate Géhane Kamel qui a été désignée pour présider l’enquête publique. Elle sera accompagnée du coroner et médecin Jacques Ramsay, qui agira à titre d’assesseur, tout particulièrement pour les aspects médicaux de l’enquête.
L’objectif d’une enquête publique de coroner n’est pas de déterminer la responsabilité criminelle ou civile d’une personne, mais plutôt de faire la lumière sur les causes et les circonstances entourant le décès et de formuler, s’il y a lieu, des recommandations visant à protéger la vie humaine.
À la veille de ces audiences publiques, un groupe de chercheurs et de militants lancent un nouveau «Pacte d’inclusion québécoise» demandant au gouvernement du Québec d’agir contre le racisme et la discrimination systémiques.