Alors que l’Église catholique est au cœur d’un nouveau scandale avec la découverte de plusieurs centaines de tombes d’enfants autochtones sur les sites d’anciens pensionnats, des Québécois baptisés veulent rompre tout lien avec l’institution religieuse en ayant recours au processus d’apostasie.
C’est le cas de Sarah Chelhot, une bachelière en communication âgée de 22 ans, pour qui l’évènement a été un «déclic». Lorsqu’elle a entendu parler d’apostasie, le rejet total de la foi chrétienne par une personne catholique, la jeune femme a voulu s’informer davantage.
«Il y a déjà tellement de scandales au sein de l’institution catholique, que ce soit le droit à l’avortement que les droits des personnes LGBTI, mais les pensionnats autochtones, c’est vraiment ça qui m’a fait cliquer parce que je suis à moitié québécoise, donc ça me touche déjà de très prêt. Je n’ai juste pas envie d’être liée à ce que l’Église a fait», fait-elle valoir.
Pour sa part, Amélie Stardust, 26 ans, connaissait déjà le processus d’apostasie, mais ne voyait pas son utilité jusqu’à tout récemment.
«Finalement, avec tout ce qu’on vient de découvrir au sujet des enfants autochtones dans les pensionnats, ce n’est pas des choses qui me surprennent vraiment, mais ça a juste un peu rallumé mon intérêt pour faire un statement clair que je ne fais pas partie de cette religion-là», explique celle qui est artiste et sexologue.
Pour faire une demande d’apostasie, il faut écrire à son diocèse, en incluant certaines informations de base, comme son nom et son adresse, mais aussi la date à laquelle on a été baptisé, ainsi que la paroisse.
Or, cela peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant d’avoir un retour et les délais se sont intensifiés depuis la crise sanitaire.
Augmentation des demandes
Sarah Chelhot et Amélie Stardust ne sont pas les seules à réfléchir à l’apostasie.
Selon l’Association humaniste du Québec, les appels à ce sujet ont bondi au courant du dernier mois. En effet, le président et porte-parole, Michel Virard, indique avoir reçu «26 demandes de renseignement complémentaires» en seulement dix jours. Normalement, il indique en recevoir que deux ou trois par année.
M. Virard n’a guère de doute que cette augmentation soit liée à la question des pensionnats autochtones. «C’est un peu surprenant puisqu’il y a eu des scandales antérieurs avec l’Église catholique romaine et il y a bien eu quelques demandes supplémentaires, dit-il. Cependant, ça n’a jamais eu l’ampleur actuelle, donc il y a quelque chose de changé.»
Au diocèse de Québec, on observe «une légère augmentation» des demandes d’apostasie depuis juin. «On en reçoit entre trois et cinq par mois la dernière année. Depuis deux semaines, il en est entré huit, parmi lesquelles trois mentionnaient les pensionnats», indique directrice des communications de l’Archevêché de Québec, Valérie Roberge-Dion.
Le chancelier du diocèse de Montréal, Francesco Giordano, affirme que le nombre de demandes est resté stable, mais précise que les données de 2021 et celles de 2019 sont incomplètes en raison de la pandémie.
«À Montréal, la moyenne, c’est autour de 50 demandes par année. Il y a des fluctuations, mais ça dépasse rarement 100. Environ 70%, c’est pour un changement d’affiliation religieuse, l’autre 30%, c’est pour des raisons personnelles», soutient-il.
L’abbé Giordano insiste sur le fait que, selon l’Église, l’apostasie n’est en aucun cas une «forme de protestation» contre un enseignement particulier ou un dogme de l’Église, ni une manifestation d’un désaccord avec une politique de l’institution.
«Ce n’est pas une question légère, j’espère que les gens prennent le temps de prendre la décision avec discernement», mentionne-t-il.
Un processus personnel
Si Sarah Chelhot et Amélie Stardust ressentent le désir de s’apostasier pour «envoyer un message» à l’institution catholique, d’autres considèrent que c’est avant tout un processus personnel.
C’est le cas de Simon Carpentier, 35 ans, qui a envoyé sa demande d’apostasie en mars dernier, après une longue réflexion personnelle. Conclusion? Considérant qu’il n’a pas la foi et que la religion n’est pas importante pour lui, il serait «hypocrite» de rester membre de l’Église.
«C’est un choix super personnel. Si la religion t’apporte de quoi dans la vie, power to you!, dit-il. On a certainement tous et toutes des questions à se poser, autant personnellement chacune des personnes, autant les gens qui sont à la tête de ces organisations-là».
Rester membre de l’Église malgré tout
D’un autre côté, il y a des fidèles qui, bien qu’ils soient «scandalisés» par les récentes découvertes de corps d’enfants autochtones, décident de rester membres de l’Église malgré tout.
Le rédacteur en chef adjoint du média Le Verbe, James Langlois, est l’un d’eux. L’homme de 31 ans considère qu’il faut distinguer ce qui a été fait au nom de l’institution catholique et ce que l’institution enseigne. En effet, il ne reconnait pas l’Église qu’il côtoie au quotidien dans les scandales liés à la religion catholique des dernières années.
«Est-ce que à cause d’un médecin qui violerait des enfants dans son bureau, on arrêterait de croire en la médecine ou on arrêterait d’aller chez le médecin?, demande-t-il. C’est la même distinction que j’essaie de faire dans mon quotidien.»