Montréal

Logement social: le «maquillage» de la Ville de Montréal dénoncé

La mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Des acteurs du milieu communautaire dénoncent le bilan de l’administration Plante en matière de logement, à la lumière des révélations du Journal de Montréal (JdM). Le désintérêt progressif des gouvernements envers le logement social – au bénéfice du logement dit «abordable» – est également déploré.

Moins de 4300 des 13 000 logements sociaux et abordables que la Ville affirme avoir développés auraient réellement été construits, selon les informations du JdM.

«On est surpris […] que le maquillage ait cette ampleur-là», laisse tomber le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Cédric Dussault.

Le porte-parole dénonce que la Ville ait «joué sur les chiffres et sur les mots» pour «redorer son bilan».

Contrairement au gouvernement de la CAQ, [Projet Montréal] a fait campagne sur les logements sociaux […] On aurait pu s’attendre à ce que cette administration-là ait une vraie préoccupation pour [en] construire.

Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ

«Notre bilan, il se défend, et il est extrêmement transparent», a déclaré ce matin la mairesse Valérie Plante, en réponse à l’enquête du Journal de Montréal.

La mairesse a plutôt plaidé que son administration avait une «façon différente de comptabiliser» le développement de logements sociaux et abordables.

La Ville est très proactive pour construire ces logements abordables, «sauvegarder ce qui existe déjà» et offrir des subventions aux Montréalais pour l’acquisition immobilière, selon Mme Plante.

Par ailleurs, la Ville de Montréal «ne construit pas» et «ne décide pas des règles du marché», a-t-elle rappelé. «Il faut arrêter de voir la Ville de Montréal comme si c’était nous qui chauffions la “pépine” et qu’on avait tous les leviers.»

«Ça fait des années qu’Ensemble Montréal dénonce cette malhonnêteté. La vérificatrice générale de la Ville a d’ailleurs sonné l’alarme en 2019 dans son rapport annuel en pressant l’administration Plante de chiffrer le nombre réel de logements sociaux qui avaient été construits», a pour sa part déclaré sur Facebook le chef de l’opposition officielle à la Ville de Montréal, Aref Salem.

Financer le logement social

«Au début, ce qu’on promettait, c’était du logement social, rappelle Cédric Dussault. Il n’était pas question de logements abordables.» Les autorités ont créé une confusion en amalgamant les deux alors qu’ils sont très différents, déplore-t-il.

Un logement est défini comme «abordable» si son prix d’achat ou de location n’excède pas un seuil fixé par les autorités. Ce seuil, généralement en dessous de la médiane du marché, diffère selon les paliers de gouvernement et les programmes.  

Un logement «social» est subventionné par un organisme à but non lucratif, une coopérative ou des fonds publics. Son loyer est établi selon la capacité de payer des locataires, et non en fonction des règles du marché.

Le RCLALQ et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) plaident tous les deux pour que les gouvernements financent davantage le logement social, et non les logements abordables sur le marché.

Les ménages avec un revenu faible ou modeste, qui ont les «besoins les plus criants» en matière de logement, n’ont pas accès à l’offre sur le marché, peu importe que le logement soit «abordable» ou non, déplore la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme.

Il faut que les investissements de la Ville soient entièrement pour des logements qui sont hors marché privé et sur lesquels on ne fait pas de profit.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Par ailleurs, elle craint que les autorités «répètent les mêmes erreurs», alors que l’administration Plante a promis 60 000 logements abordables et 2000 logements sociaux par année dans les dix prochaines années. Le FRAPRU réclame plutôt 45 000 nouveaux logements sociaux pour la même période.

L’aide du provincial nécessaire

«La Ville a beau promettre un nombre de logements sociaux, si le financement de Québec ne vient pas avec ça, ça ne sera pas possible de les construire», souligne Cédric Dussault.

Or, le porte-parole du RCLALQ dénonce le manque de volonté du gouvernement Legault. «Quand on regarde les derniers budgets du dernier gouvernement de la CAQ […] grosso modo, c’est la fin du logement social au Québec.»

Pour sa part, le FRAPRU ne sent également pas «d’empressement» du provincial à s’attaquer à la crise du logement. «Il faut que le gouvernement du Québec accélère la cadence, mais en ce moment, il n’y a rien sur la table», affirme Véronique Laflamme.

Ce n’est pas seulement le bilan «effarant» de la Ville de Montréal qui est problématique, ajoute-t-elle, mais tous les projets qui sont prêts à être «développés rapidement», et pour lesquels le financement se fait attendre.

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