Après avoir refusé deux avis d’éviction, une famille de Rosemont se voit évacuée de son logement après que des travaux ont mal tourné. Ces travaux auraient débuté sans que les locataires en soient avisés et avant que le Tribunal administratif du logement (TAL) n’ait pu se prononcer quant au sort de la famille.
Rachid et Farida Benzai élèvent leurs quatre enfants dans un logement de l’avenue De Lorimier, près de la rue Holt. Le 2 mars au matin, M. Benzai se fait réveiller. «Mes enfants étaient affolés, ils couraient vers moi en criant “papa, papa, il y a des étrangers dans la cour”», raconte-t-il.
Les étrangers en question étaient une dizaine de travailleurs en construction. La cour, que M. Benzai avait installée et aménagée lui-même, était sens dessus dessous. Des travaux d’excavation et de démolition d’un des murs avaient été entamés sans qu’un avis ait été envoyé aux locataires. «Vivant au rez-de-chaussée, la famille vit quotidiennement les aléas de ces travaux et des bruits incessants», souligne l’avocate des locataires, Kimmyanne Brown.
Le 29 avril, la famille ainsi qu’une trentaine de personnes du voisinage sont évacuées: des immeubles, dont le leur, menacent de s’effondrer. Selon le député de la circonscription, Gabriel Nadeau-Dubois, les travaux sont «manifestement» la cause de l’évacuation.
«Je suis comme un itinérant maintenant», confie M. Benzai à Métro. Ayant déménagé de l’Algérie pour refaire sa vie, la famille ne sait pas ce qu’elle fera si le TAL tranche en faveur du propriétaire.
Des travaux entamés sans décision du tribunal
Les locataires ont reçu un premier avis d’éviction pour subdivision du logement en mars 2022, près d’un an avant le début des travaux dans la cour et le sous-sol des Benzai. Les locataires s’étant opposés à cette éviction, une audience est prévue le 4 mai.
«Entretemps, les locataires ont reçu un nouvel avis d’éviction pour agrandissement», explique l’avocate du couple. Les propriétaires, de ce qu’elle comprend, souhaiteraient combiner le logement avec le sous-sol.
On ne peut pas s’expliquer pourquoi ces travaux-là ont été conduits sans qu’il y ait une décision du tribunal qui ait décidé du sort des deux avis d’éviction. On comprend mal la précipitation de cette excavation.
Kimmyanne Brown, l’avocate de la famille Benzai
L’arrondissement de Rosemont a délivré un permis pour ces travaux, qui sont jugés conformes. Ceux-ci doivent être complétés avant le 11 juillet 2024, ce qui laisse beaucoup de temps aux propriétaires. «Il n’y a donc aucune précipitation à [les] conduire», insiste l’avocate des locataires, qui estime que les propriétaires cherchent «à provoquer le départ des locataires sans qu’il y ait de décision de la part du tribunal.»
«Depuis qu’on habite ici, on n’a vu le propriétaire qu’une ou deux fois», raconte le père de famille. Le propriétaire n’a pas donné suite aux demandes d’entrevues de Métro.
Actions demandées
Accompagnant la famille Benzai, «agressivement évincée» de son logement dans Rosemont, Gabriel Nadeau-Dubois somme la CAQ de «prendre ses responsabilités» face à la crise du logement. Il décrit ce qui arrive à cette famille comme étant «le cas de rénoviction le plus brutal» depuis son arrivée à l’Assemblée nationale, en 2017.
La famille Benzai paie les frais d’un trou dans la loi qui permet des abus absolument épouvantables.
Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin et porte-parole de Québec solidaire
En plus de réclamer un moratoire sur les rénovictions dans les quartiers les plus touchés par la crise du logement, Québec solidaire (QS) demande l’instauration d’un contrôle obligatoire des demandes d’éviction par le TAL ainsi que l’accélération, au TAL, des délais pour les causes de harcèlement.
Selon le parti, c’est avec des changements législatifs à Québec qu’il sera possible de mettre fin à ce type de situation.