Malgré les différentes stratégies mises en place par les agences de santé, les urgences de l’est de Montréal débordent toujours de patients. Leur taux moyen d’occupation de 180% est jugé critique par les intervenants du centre intégré universitaire de santé et des services sociaux (CIUSSS) de l’est de Montréal.
Selon Denise Fortin, présidente-directrice générale adjointe (PDGA) au CIUSSS, la situation est de plus en plus inquiétante.
«Chaque jour, près de 320 personnes se présentent aux urgences dans l’est de Montréal. C’est l’équivalent de cinq autobus scolaires ou de 93 ambulances, dit-elle. Dans nos trois hôpitaux, nous avons un total de 104 civières disponibles, ce qui veut dire que beaucoup de gens attendent longtemps avant d’être vus par un médecin.»
Une situation qui est source de stress et d’anxiété autant pour le personnel dans les hôpitaux que pour les patients.
«La moyenne du temps d’attente dans nos centres hospitaliers est de 21 heures. Pendant ce temps, il y a un risque élevé pour notre clientèle fragile de contracter d’autres maladies, ce qui rend les choses difficiles», soutient la PDGA.
«Il y a toujours tout le temps des gens qui attendent aux urgences. Ce n’est pas normal» -PDGA du CIUSSS de l’est de Montréal
Plusieurs facteurs en cause
Mme Fortin explique que plusieurs facteurs sont à l’origine de cette congestion aux urgences, dont le fait que 36% de la population de l’est de Montréal souffre de maladies chroniques.
«Aujourd’hui, 1400 de nos enfants souffrent de maladies respiratoires. L’espérance de vie dans l’est de Montréal est moindre pour nos enfants. Si une petite fille naît dans l’Est, elle a 9 ans de moins de vie que si elle était née à Westmount. Ce sont des statistiques étonnantes, mais vraies.»
Elle ajoute que l’arrivée constante d’immigrants dans le secteur contribue également à cette affluence dans les hôpitaux.
«Près de 30 % de notre clientèle est d’origine immigrante. Si la plupart des citoyens ne savent pas où aller lorsqu’ils sont malades, imaginons ces nouveaux arrivants qui ne connaissent pas notre système, dit-elle. Ce qui est le plus difficile, c’est que nous avons toujours des personnes en provenance d’autres pays qui arrivent, alors ce travail de sensibilisation est toujours à refaire.»
Finalement elle soutient qu’il y a une mauvaise utilisation des services de santé dans le territoire.
«La plupart de gens ne savent pas où aller ou quoi faire lorsqu’ils sont malades. C’est pour cette raison qu’ils vont toujours aux urgences», conclut-elle.
Selon des statistiques du CIUSSS, parmi les 320 personnes qui se présentent quotidiennement aux urgences, seulement 57 sont hospitalisées, 189 retournent à la maison avec une prescription, 47 sont redirigées aux spécialistes et 25 partent sans avoir été vus en raison des temps d’attente.
Désengorger les urgences : quatre alternatives innovantes
Organisé en collaboration avec l’Institut du Nouveau Monde, le forum auquel ont assisté citoyens, intervenants et employés du CIUSSS avait pour objectif de faire le point sur les alternatives au recours à l’urgence par les patients de l’est de Montréal.
«C’est une occasion de discuter de solutions innovantes afin de mieux utiliser les ressources qui sont à la disposition des citoyens en matière de santé, mais c’est aussi une bonne façon de les sensibiliser à ce qui veut vraiment dire le service des urgences», indique Malorie Flon, chargée de projet à l’Institut du Nouveau Monde.
Les alternatives
Quatre alternatives dites innovantes ont été présentées aux participants du forum, dont celle de l’application mobile DocTr.
«Cette application permet aux usagers munis de leur téléphone intelligent de connaître en temps réel le centre hospitalier avec le plus haut taux d’occupation. Les citoyens pourront également savoir si un rendez-vous de dernière minute a été annulé dans une clinique, ce qui nous permettra de mieux diriger les patients vers les ressources qui leur conviennent le plus», explique Stéphane Boyer, co-concepteur de l’application.
Roger Simard, un pharmacien de la région de Montréal, a parlé du programme La Pharmacie 3.0 qui lui permet d’utiliser des appareils électroniques mobiles pour suivre l’état de santé de ses clients à distance.
«C’est comme un tableau de bord que les patients ont pour comprendre la façon dont les médicaments agissent sur leur corps. Ceci peut éviter dans certains cas des nombreuses visites chez le médecin», raconte le pharmacien.
Angela Geloso, psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal fait partie de l’équipe d’hospitalisation à domicile de l’est de la métropole.
«Nous avons une équipe interdisciplinaire qui se rend au domicile de patients âgés de 70 ans et plus ayant des problèmes de santé mental. Ceci nous permet de désengorger les urgences et de traiter un problème spécifique chez une clientèle spécifique», dit-elle.
Finalement Isabelle Ducharme, animatrice du programme L’ABC de l’autogestion des soins, raconte son expérience en tant qu’utilisatrice de ce programme.
«C’est un programme de six semaines qui permet aux gens souffrant de maladies chroniques de mettre un plan d’action et d’avoir accès à certains outils afin de mieux traiter leur maladie. Ce programme a donné comme résultat une baisse du taux d’hospitalisation chez ceux qui le suivent», soutient Mme Ducharme.
Une période de discussions a par la suite eu lieu entre les 240 participants qui ont pris part à ce forum tenu au Planétarium de Montréal.
Échelle de triage | Taux de patients par échelle de triage |
1 – Réanimation | 1 % |
2 – Très urgent | 20 % |
3 – Urgent | 36 % |
4 – Moins urgent | 31 % |
5 – Non urgent | 12 % |