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Le Canada surreprésenté sur le darkweb

Si le Canada est le 20e pays au monde comptant le plus d’internautes, les Canadiens sont les 5e plus gros utilisateurs du réseau Tor, un sous réseau de l’Internet qui favorise l’anonymat et indirectement la vente de drogue et l’échange d’images de pédophilie. Attention toutefois aux amalgames, prévient un spécialiste du domaine. Décryptage.

Tor 101

C’est une sous-partie de l’internet qui n’est accessible qu’en téléchargeant un logiciel spécialisé. Les sites visités ont tous l’extension «.onion». Au lieu de se connecter directement à un site web et d’y laisser une trace, l’ordinateur de chaque utilisateur de Tor passe successivement par 3 serveurs qui permettent de semer les autorités. Enfin presque, car il faut quand même fournir une adresse de livraison quand on commande et les transactions en bitcoins laissent des traces, si la police a réussi à percer votre pseudo d’utilisateur. «Au Canada, 50 000 utilisateurs utilisent Tor chaque jour, mais ça ne signifie pas que ce sont tous des délinquants», explique David Décary-Hétu, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal (UdeM). Par exemple, des lanceurs d’alerte utilisent cette méthode pour contacter des journalistes et des activistes y font appel pour contourner la censure ou la répression dans leur pays.

Drogues

On trouve toutes sortes de drogues sur AlphaBay Market, le marché le plus populaire du darkweb. Un peu comme avec Uber, chaque vendeur est évalué et noté par ses clients permettant ainsi d’évaluer son sérieux. Ozconnection, propose par exemple 0,1 gramme d’héroïne pure pour 60$US et 28g de marijuana pour 216$US. Le vendeur affiche un taux de succès dans les livraisons de 98%, notamment grâce à l’utilisation d’enveloppes commerciales typiques des institutions des différents pays concernés, un système de mise sous vide pour éviter les odeurs et le contrôle de la ventilation dans la salle d’expédition. M. Décary-Hétu qui a suivi les activités de vendeurs canadiens pendant 3 ans, évalue le chiffre d’affaires de ces derniers à 9M$. C’est 5% du marché mondial de la vente de drogue sur l’internet qui est lui évalué à 180M$ par an, mais cela pourrait n’être que la pointe de l’iceberg, selon lui.

Cartes de crédit

Sur le darkweb, on peut aussi acheter des cartes de crédit volées. Il s’agit notamment de fraudes massives de données, comme dans le cas de Home Depot qui s’est fait subtiliser pas moins 56 millions de numéros de carte de ses clients Canadiens et Américains en 2014. «On ne sait jamais quel pourcentage aura donné lieu à des achats frauduleux. Mais même si c’est moins de 1%, ça fait quand même plusieurs dizaines de milliers de cas», souligne le professeur de l’UdeM. «Et même si les clients lésés se font rembourser, les compagnies de cartes de crédit vont demander à être dédommagées en y ajoutant les frais de remplacements des cartes. Cela a certainement fini par représenter une somme importante dans le cas de Home Depot», ajoute-t-il. En 2015, les banques canadiennes ont remboursé plus de 726M$ à leurs clients pour des pertes subies en raison de fraudes par cartes de crédit, selon les chiffres de l’Association des banquiers canadiens (+78% en 7 ans).

Contrefaçon

Des billets contrefaits vendus au tiers de leur valeur ou des faux passeports qui ont déjà traversé les frontières pour 1,1BTC (8016$): le marché de la contrefaçon n’est pas négligeable sur Alphabay Market. «Certains fraudeurs arrivent à avoir les mêmes machines et le même papier que les institutions qui produisent les passeports ou les billets, et sont parfois installés dans des pays où il est difficile d’intervenir», note David Hétu-Décary. La généralisation des billets de banque en polymère a néanmoins fait baisser la contrefaçon de 69% entre 2014 et 2015 au pays, note la Gendarmerie royale du Canada. Autre phénomène en vogue, le piratage de documents personnels (relevés de banques, de factures…) directement sur votre ordinateur ou votre téléphone. Ils permettent le vol d’identité et l’obtention de prêts ou de cartes de crédit en votre nom. La fraude d’identité fait environ 19 000 victimes par année au Canada pour un total de 12M$. «Personnellement, j’utilise un gestionnaire de mots de passe en ligne qui crypte aussi mes documents personnels, ça peut éviter les problèmes», souligne le professeur en criminologie de l’UdeM.

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