Nos «veudettes» n’en finissent plus de dévoiler les pans les plus sombres de leur vie. Quand ce n’est pas la spirale anorexique de l’une, c’est l’autisme de l’autre. Ajoutez à cela l’enfer de l’intimidation à l’école ainsi que d’autres armes de destruction massive dans le genre et vous aurez droit à un portrait parfaitement déprimant de ce qu’on croyait être, jusqu’ici, la vie parfaite de ce beau monde.
En publiant sa biographie, Anne-France Goldwater est la dernière en lice à bien vouloir ouvrir sa malle à souvenirs. Avant même que le livre soit disponible en magasin, sa campagne de promo-marteau nous avait déjà permis de connaître la grosseur de ses seins, l’envergure de son insatiable appétit sexuel et tout plein d’autres choses qui ne sont pas nécessairement de nos affaires. Le tout assaisonné d’une poignée de fuck off et de quelques «mange d’la marde» bien espacés. La dame insiste décidément très fort pour être ainsi perçue. C’est dommage.
Dommage parce que tout ce discours «roffe n’ toffe» dissimule ce qu’il y a de plus intéressant dans le parcours de cette entêtée qui a croisé pas mal plus de serpents que d’échelles au fil de son existence. C’est là que son récit singulier vaut la peine d’être partagé. Parce que l’unique combat de sa vie a été celui de l’adversité. Sous toutes ses formes et depuis toujours.
Et ça, ça mérite d’être partagé. Bien plus que tout le reste.
(Anne-France Goldwater: plus grande que nature, de Martine Turenne, chez Libre Expression)
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Parlant de livres, avez-vous remarqué que chaque fois que vient le temps d’illustrer Montréal et son histoire, on va habituellement piger dans la même boîte à portraits et, fatalement, on nous ressort sensiblement les mêmes clichés. Ceux de l’Expo 67, du mât penché de Taillibert, des grosses foules du Festival de Jazz…
Pourtant, une ville ne sera jamais autre chose que l’addition des individus qui y vivent. Qu’ils soient notables ou ti-culs, nés ici ou ailleurs. Des millions d’anonymes qui partagent des coins de rue, qui se disputent des bouts de trottoir et qui essaient simplement de s’organiser ensemble.
Il existe des tas d’albums de photos qui nous racontent l’histoire de Montréal. Mais celui du journaliste Jean-François Nadeau est unique en son genre. Parce qu’au centre de sa recherche et de sa démarche, il y a l’humain. Toujours l’humain.
Il y a cet homme qui est sur le point de se faire exproprier de son logement dans les années 60, cette fille assise sur le bord d’un châssis sur la rue Plessis avec un gros Kik Cola à côté d’elle, le gars de la shop qui rentre à la maison avec une caisse de 12 O’Keefe sous le bras… Du monde qui a vécu à Griffintown, dans le Faubourg à m’lasse ou sur le Plateau «prégentrifié».
C’est de ce Montréal-là qu’il faudra bien se souvenir à un moment donné. Parce qu’on a tendance à ne pas le montrer assez souvent. Cet album de photos, c’est notre album de famille.
(Les Montréalais: portraits d’une histoire, de Jean-François Nadeau, aux Éditions de l’Homme)