La sagesse ancestrale nous invite à résister à la tentation de s’effondrer en boule pour les quatre prochaines années ou jusqu’à ce que la fin du monde arrive. Et en effet, si on s’en tient à notre réalité de Canadiens paisibles, les conséquences de l’élection de Trump sur notre quotidien seront probablement limitées. C’est sur le plan symbolique que cette victoire de la médiocrité fait le plus mal, notamment dans tout ce qu’elle cautionne.
Mardi, 59 049 470 personnes ont cautionné le racisme, le capacitisme, la misogynie, la prédation sexuelle, le mépris des faits et l’intimidation en donnant leur vote à Donald Trump. Elles lui auront pardonné d’avoir ri d’un journaliste handicapé, de s’être vanté d’utiliser sa popularité pour agresser sexuellement des femmes, d’avoir voulu ficher des citoyens musulmans, d’avoir traité les Mexicains de drogués et de violeurs et de se comporter régulièrement comme une brute sur les réseaux sociaux. Ça, c’est pour ceux qui ne pensent pas, comme lui, que tout ce mépris des femmes et des minorités est justifié.
Ce que cela confirme, aussi, c’est l’inégalité qui persiste entre les hommes et les femmes en matière de perceptions. Les commentateurs rivalisent de prudence pour contourner cet élément. Le résultat de cette élection est bien sûr plus complexe que ça. Il s’agit entre autres d’un rejet des élites, d’une réaction anti-establishment. Mais rien de tout ça ne devrait nous permettre d’évacuer la dimension genrée de cette élection. On nous dit que les Américains avaient le choix entre deux mauvais candidats, comme si leurs lacunes avaient quoi que ce soit d’équivalent. Hillary Clinton avait beau posséder tous les défauts d’une politicienne de carrière, sa feuille de route n’avait rien de la médiocrité du candidat Trump, un raciste misogyne et menteur, sans aucune espèce d’expérience en politique. Le message que plusieurs jeunes femmes ont ressenti hier, c’est que peu importe à quel point elles travaillent fort et sont qualifiées, un homme blanc moyen pourra toujours les déclasser. Un homme blanc qui se vante à l’occasion de taponner des femmes.
C’est donc une misogynie nauséabonde qui a été cautionnée hier, par des hommes, mais aussi par des femmes. Car plus encore que la dimension genrée de cette élection, c’est sa dimension raciale qui ressort des sondages à la sortie des bureaux de vote. Alors que les hommes noirs ont soutenu Clinton à 84% et les femmes noires à un impressionnant 94 %, plus de femmes blanches ont voté pour Trump que pour Clinton. Mardi, c’est la majorité des Blancs qui ont voté pour «make America great again». Pour redonner à l’Amérique sa grandeur d’avant quoi, au juste? Eux seuls le savent et Obama s’en doute.
Cette élection américaine cautionne un paquet d’affaires pas belles. Ce que toute cette laideur confirme, c’est que les luttes sociales, civiques, féministes, antiracistes, continuent d’être pertinentes. Alors ceux qui luttent pour la justice sociale devront faire comme Obama dit de faire : lécher leurs plaies et relever leurs manches.