Alors que plusieurs médias ont révélé mardi que le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec (DPCP) ne déposerait aucune accusation dans le dossier des abus de policiers à l’endroit de femmes autochtones en Abitibi, l’observatrice civile indépendante conclut que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a bien mené son enquête.
Me Fannie Lafontaine a été chargée d’évaluer le travail du SPVM dans son enquête sur des policiers, dont certains de la Sûreté du Québec (SQ), qui auraient abusé de femmes autochtones. Celle-ci juge que le travail a été fait de manière impartiale et intègre, et que chacun des 38 dossiers ont été scrutés de manière minutieuse. «Des moyens significatifs ont été déployés par l’équipe d’enquête du SPVM pour établir les faits et identifier le ou les responsables des allégations. Des moyens significatifs ont été déployés par l’équipe d’enquête du SPVM pour établir les faits et identifier le ou les responsables des allégations», note-t-elle dans son rapport rendu public mercredi en fin de journée. Me Lafontaine indique par exemple que le SPVM a confié le travail à des enquêteurs spécialisés en agressions sexuelles et que tout le travail possible a été fait pour retrouver les dates des événements, ou les policiers impliqués, lorsque les victimes étaient incapables de le préciser.
En entrevue à Radio-Canada, l’observatrice a indiqué qu’elle serait «surprise» qu’aucune accusation ne soit portée. Toutefois, la décision du DPCP de porter des accusations sort du cadre de son mandat. «L’objectif de l’observation civile indépendante est d’évaluer l’intégrité de l’enquête policière pour s’assurer que le processus suivi est rigoureux, exhaustif et objectif et que le résultat ultime – la décision du DPCP de porter ou non des accusations – ne repose pas sur un dossier d’enquête incomplet ou bâclé», souligne-t-elle dans son rapport, ajoutant que les policiers du SPVM n’ont pas fait de recommandations au DPCP sur les accusations.
Me Lafontaine a par ailleurs émis quelques recommandations, notamment en ce qui a trait à la vulnérabilité des femmes autochtones qui ont décidé de dénoncer leurs agresseurs. «Leur besoin de protection – à l’encontre de représailles ou de harcèlement médiatique – et d’accompagnement psychosocial, immédiat et à plus long terme, est urgent», écrit-elle. Une campagne d’information sur le processus de plainte pour agression sexuelle doit aussi être faite auprès des membres des Premières Nations, car il est trop méconnu, ajoute l’observatrice.
Elle souligne aussi que la SQ et le gouvernement devraient se donner une stratégie claire pour rétablir le lien de confiance avec les communautés autochtones. «Il convient de clarifier rapidement comment les plaintes d’un Autochtone à l’encontre d’un policier seront traitées dans le futur, y compris une clarification des rôles respectifs du [Bureau des enquêtes indépendantes] BEI, du corps d’attache du policier ou de tout autre mécanisme particulier qui pourrait être créé à cet effet», juge-t-elle.
Finalement, elle croit que la formation des policiers sur les enjeux et réalités autochtones est insuffisante, lorsqu’elle n’est pas inexistante. «Une stratégie globale sur la formation adéquate à offrir dans les différents corps de police et à l’École nationale de police du Québec est urgente et essentielle», stipule-t-elle.
Vendredi, le DPCP rendra publiques ces conclusions dans ce dossier. C’est à ce moment qu’on saura officiellement si des accusations seront déposées contre les policiers.
Des explications demandées
Préoccupée par le fait qu’aucune accusation ne serait possiblement déposée, l’Assemblée des Première Nations (APN) a exigé des explications du procureur de la Couronne mercredi. «Cette situation exige de la transparence et une explication détaillée sur la décision de la Couronne afin de bâtir la confiance des Premières Nations envers le système judiciaire. Elle renforce notre appel en faveur des services de police des Premières Nations», a mentionné le chef national de l’APN, Perry Bellegarde, dans un communiqué.
Son homologue québécois, Ghislain Picard, a pour sa part déploré que l’absence d’accusation pourrait décourager certaines femmes de dénoncer des agressions. «Nos femmes ne doivent pas être réduites au silence, intimidées ou découragées par les résultats à date des démarches qu’elles ont eu le courage d’entreprendre», a-t-il souligné.