Je le confesse d’emblée: je ne suis pas un grand fan d’humour québécois. Trop d’histoires de couples: « on est de même, nous autres, les gars…mouhahaha !!! » Bof…
Je continue de penser, en fait, que l’humour est un fabuleux véhicule de critiques socio-politiques. Le fou du roi joue, à travers l’histoire, un rôle-clef. Bien qu’exceptions, certains assument ou ont assumé, chez nous, ces mêmes fonctions: l’imbattable Deschamps et, avant lui, les Cyniques. Une partie de l’oeuvre de RBO, également. Aujourd’hui? Hum. Les Zapartistes. L’ami Fred Dubé. À part ça? Pas clair.
Compte tenu de la nature de leurs responsabilités névralgiques, notamment celles de combattre l’injustice, l’abus de pouvoir et autres ti-couneries ambiantes, je reconnais ainsi la nécessité pour ces mêmes humoristes de faire preuve d’irrévérence extrême. D’être parfaitement baveux, purement provocateurs et politiquement très incorrects. D’optimiser l’usage de cette arme de destruction massive que constitue la liberté d’expression.
Celle-ci, cela dit, n’est pas absolue, sans limite. La loi vient parfois, en effet, circonscrire son usage: la propagande haineuse et le discours incitant à la violence sont tous deux proscrits par nos normes. Plus récemment, on statuait que les propos discriminatoires envers un enfant handicapé pouvaient mener à une condamnation en dommages et intérêts. Attendons, toutefois, les conclusions de la Cour d’appel.
Le nouveau show de Peter MacLeod, maintenant. Celui qui s’intitule Libre-Sexe, argent.. et vérité, lequel s’est valu la critique suivante, fort pertinente.
Bon. Eh boboy. Haut-parleur auto-proclamé de la majorité silencieuse, le dérideur public s’offense du fait que les gens s’offensent pour des broutilles. Magnanime, il s’apprête ainsi à nous balancer nos quatre vérités en pleine face. Vas-y, mon Peter….
Voici quelques extraits de son show, tels que rapportés par Stéphanie Vallet, de La Presse. D’abord: «L’automobile a été inventée pour les Blancs. Prenons l’exemple des Chinois. Ils sont pas faits pour ça, chauffer un char».
Ensuite: «Y a pire que la vieille madame chinoise au volant, y a le monsieur noir».
Une autre: «On peut rire des religions, il faut le dire à ce monde-là qui s’installe chez nous que nous ne sommes pas pareils ici».
Et encore: «Moi, le Jardin botanique… À moins que tu me suces dans un bosquet».
Une petite dernière, la meilleure: «J’ai ben des problèmes, mais je ne suis pas raciste.»
Ayoye. En plus de faire des blagues désopilantes de type mon’oncle miso, Peter sort la bonne vieille excuse du «je ne suis pas raciste, mais…» Quand quelqu’un nous la balance, celle-là, faut porter attention: on aura droit à la plus grande connerie raciste de la journée. Peut-être du mois.
Je ne suis pas raciste, mais…Mais quoi, au fait, mon Peter? Pourrait-on, à titre d’illustration, remplacer la formule par un genre de «je ne suis pas pédophile, mais…. »? Pense pas, non.
Ceci rappelle d’ailleurs un sondage assez récent du Journal de Montréal où, à la première question, 20% des répondants s’admettaient racistes. Mais ce n’est pas le pire. À la deuxième question «croyez-vous qu’il existe des races supérieures à d’autres?», 60% ont répondu…oui. Certains n’ont visiblement pas saisi le concept.
Pas raciste, donc, le Peter. Seuls ses propos le seraient. Mais pas lui. On tient des affirmations racistes sans l’être. Pas mal. De cette manière, on pourra dorénavant tuer autrui sans être qualifié de tueur. Voler des dépanneurs sans être considéré comme voleur. Une désincarnation intéressée, quoi.
Afin de se dédouanner, Peter, comme d’autres avant lui, plaideront l’exemple de Deschamps. Deux grosses nuances, je dirais. La première: le monument se perfectionnait dans l’art du deuxième degré. Celui de dire le contraire de ce qu’on pense pour démontrer l’absurdité du propos. Nigger Black, notamment. Deuxième différence, maintenant: Deschamps faisait de l’humour, lui.
Cela dit, Peter, t’inquiète pas trop. Tu respectes, je crois bien, les paramètres actuels de la loi. Tu bénéficies, jusqu’à un certain point, de la liberté d’être raciste. Et nous, en corollaire, de la liberté de te décrire comme tel.
P.s.1: Une dernière petite vérité, mon Peter: tu sais quelle est la différence entre ton avion et tes jokes? Y en a pas. Les deux tombent à plat.
P.s.2 : T’as pas aimé mon gag? Je te comprends. La vieille madame chinoise et le monsieur noir n’aiment pas le tien, non plus. Mon point? Te faire réaliser ceci: le droit de dire un truc est une chose. La pertinence et la légitimité de le faire, une autre.