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Bien que le nombre de nouveaux cas de virus de l’immunodéficience humaine (VIH) enregistrés au Québec se soit stabilisé ces dernières années, il ne faut pas relâcher les efforts de prévention et de dépistage, avertissent des intervenants du domaine.
Dans un rapport publié aujourd’hui, l’Institut national de santé publique (INSPQ) indique avoir enregistré 609 nouveaux cas de VIH en 2015 au Québec. Parmi ceux-ci, 299 sont de nouveaux diagnostics, tandis que 300 enregistrements de cas sont issus de diagnostics antérieurs (voir graphique). «C’est assez stable. Le nombre total tend à baisser, mais très progressivement entre 2003 et 2015», note la conseillère scientifique à l’INSPQ, Karine Blouin.
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Si cela démontre que la propagation est sous contrôle, il ne faut toutefois pas abandonner la lutte contre le VIH, assure le directeur adjoint de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA), Michel Morin. «On est à une période charnière, dit-il. Contrairement à il y a 10 ou 15 ans, on a réussi à stabiliser la situation. Cependant, il faut faire plus que ça. Si on laisse tomber, ça peut dégénérer.»
Il cite l’exemple de la Russie, où le retrait total des initiatives de prévention a relancé l’épidémie. «À cause de la stabilité, [diminuer les initiatives] est un réflexe que les autorités sanitaires ont, ici comme ailleurs, déplore M. Morin. Mais c’est justement le temps d’investir de l’argent dans de nouveaux programmes.»
Pour avoir une diminution importante du nombre de cas au Québec, c’est sur un ensemble de fronts qu’il faut mener la lutte, explique Mme Blouin. «Il faut que les gens adoptent des comportements sexuels sécuritaires, que les personnes infectées soient sous médication antirétrovirale (voir texte pages 8-9), et il faut favoriser un dépistage rapide et régulier dans les populations à risque, soutient-elle. C’est un défi d’agir sur tous ces facteurs.»
«Si on s’assoit sur notre steak, on va manquer le bateau, et malheureusement, c’est ce qu’on remarque dans les pays où ils ont démissionné.» –Michel Morin, directeur adjoint de la COCQ-SIDA
L’accès à un dépistage rapide est un élément-clé, souligne la conseillère scientifique. «Les personnes qui ont une infection très récente sont celles qui ont la charge virale la plus élevée et qui sont les plus susceptibles de transmettre le virus», indique-t-elle.
Idéalement, davantage de gens devraient être au courant de leur statut sérologique. «Quand on a de la difficulté à trouver un endroit pour se faire dépister, ou qu’on nous dit qu’on ne prend que 20 patients par jour, ce n’est pas ce que j’appelle favoriser le dépistage», dénonce M. Morin, qui souhaite que 90 % des personnes faisant partie d’une population à risque aient accès à un dépistage gratuit.
Des cas inconnus?
Au Québec, le VIH est une maladie à déclaration obligatoire. Toutefois, en raison de la stigmatisation, il n’est pas possible d’associer un diagnostic à un nom en particulier dans les dossiers de la Régie de l’assurance maladie du Québec. C’est pour cette raison que, selon l’Agence de santé publique du Canada, environ 19 870 personnes vivent avec le VIH, alors que l’INSPQ n’a enregistré que 9 355 cas depuis le début de son programme de surveillance, en 2002.
«Selon le modèle mathématique, on peut extrapoler qu’il y a environ 21% des personnes séropositives qui ignorent leur statut», ajoute Michel Morin. Selon lui, «un silence autour du VIH» demeure, puisqu’on ne parle pas encore nécessairement avec facilité de sexe et parce que l’éducation sexuelle est absente du cursus scolaire.
Montréal, la région la plus touchée
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Avec 60% des nouveaux cas enregistrés en 2015, Montréal est la région du Québec la plus touchée par le VIH. Notons que l’île de Montréal abrite le quart de la population québécoise. «Les catégories d’exposition où il y a le plus de cas sont les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et les hétérosexuels originaires de pays fortement touchés par le virus, rappelle Karine Blouin. Et il y a une concentration de ces populations à Montréal.» Ces groupes comptent respectivement pour 71,2% et 10,6% des nouveaux cas de 2015.
Tout n’étant pas noir dans la lutte contre le VIH, on note une forte diminution des cas d’infection chez les utilisateurs de drogues injectables. Au Québec, 146 cas avaient été enregistrés dans cette population en 2003, tandis qu’en 2015, seulement 22 nouveaux cas ont été répertoriés. «On a investi beaucoup d’argent et d’énergie dans la prévention et on a réussi à faire baisser le taux d’infection, relate Michel Morin. Ce qu’on fait pour les personnes utilisatrices de drogues injectables, on peut le faire pour toutes les populations à risque.»