Dans une dizaine de jours, 2016 sera enfin chose du passé. Y’est pas trop tôt… Puisque l’heure est au bilan – c’est toujours comme ça dans notre dernière chronique de l’année –, j’aurais pu revenir sur Couillard, Trudeau et le nouveau fou des États, qui nous ont dignement tenu compagnie au cours des derniers mois. Sauf que je ne le ferai pas. Y’a des absences fraîches qui me sont encore bien plus cruelles.
Ça a commencé le 10 janvier, quand j’ai reçu au beau milieu de la nuit le coup de fil de quelqu’un qui voulait recueillir mes commentaires à la suite du décès de David Bowie. Méchant réveil. Le monde venait de perdre un artiste qui avait fait la différence, et moi, je voyais partir avec lui quelques épisodes de ma jeunesse qui m’étaient chers.
Au cours des semaines suivantes, l’hécatombe a continué. Bye-bye Glenn Frey, le ventricule gauche des Eagles. Au revoir et merci, admirable George Martin, le gentil monsieur qui a si bien encadré le projet artistique des Beatles. Quand j’ai su que Scotty Moore, le premier guitariste d’Elvis, venait de s’éteindre, j’ai entendu le solo de Heartbreak Hotel résonner dans ma tête. Et du coup, j’ai compris que l’inspiration première de tous les guitaristes de l’histoire du rock and roll, c’était lui. Les musiciens qui ont un jour pioché sur un instrument pour faire danser le monde sont légion. Rares sont ceux qui l’ont changé. Prince était également l’un de ceux-là. Un être complexe, on n’en doute pas une seconde, mais un génie. Du niveau d’en haut, incontestablement. Et il y a les autres, tous les autres. Les deux tiers d’Emerson, Lake & Palmer, Toots Thielemans et son harmonica qui faisait du bien, Leon Russel et son CV long comme la côte ouest… Je repense aussi à Sharon Jones – la dernière boss du soul en lice – et à son ultime visite au Festival de Jazz, à peine quatre mois avant de mourir. Comme je repense et repenserai à l’infini à Leonard Cohen. Dans le grand vide, j’entends du vent.
Plus près d’ici, on sait très bien qu’on ne verra pas l’égal de René Angélil débarquer de sitôt. Même chose pour Pierre Lalonde. Quiconque se demande ce qu’est une vraie vedette populaire doit obligatoirement se tourner vers cette icône de la chanson québécoise des années 1960 et 1970 pour saisir parfaitement le phénomène.
Cette damnée 2016 nous aura aussi enlevé d’autres pionniers dans leurs domaines. Un Jean Bissonnette à qui revient le titre de père des variétés de notre télé. Ou Marcel Dubé, un homme qui a su accorder les mots «théâtre» et «nous». Sans oublier Lucille Dumont, la grande dame de la chanson, qui était une grande dame tout court. Le décès de cette dernière, presque passé sous silence cet été, devrait nous forcer à réfléchir à la faiblesse de notre mémoire collective.
Désormais, on sera pris pour apprendre à vivre sans les mémérages éclairants de Jean Lapierre, sans voir de nouvelles images d’André Melançon, sans entendre la voix de Rita Lafontaine, du père Benoit Lacroix et d’André Montmorency, ainsi que le blues de Bob Walsh.
Le bilan de 2016 affiche des pertes plus que cruelles.
Bien hâte de vous retrouver en 2017. Oui, franchement, il était temps.