Des mères déplorent l’absence de tables à langer de format adulte dans les lieux publics du Québec, ce qui les force à changer les couches de leurs enfants handicapés sur le sol de toilettes publiques ou devant des étrangers. Elles demandent au gouvernement d’agir.
Que ce soit au centre commercial, à une fête dans un centre communautaire ou à l’hôpital, la problématique est toujours la même pour la petite Sarah, atteinte d’une maladie rare, le syndrome de Phelan-McDermid. «Ma fille a juste 7 ans et on a deux options pour la changer : le plancher de la toilette ou l’auto», a expliqué à Métro sa mère Stéphanie Leclerc, qui habite à Québec.
Cette situation fait en sorte que les quatre membres de sa famille ne peuvent pas rester longtemps ensemble à l’extérieur de leur domicile. «Ce n’est pas juste négatif pour l’inclusion sociale de la petite, mais pour celle de toute la famille, qui se trouve parfois séparée en deux pour permettre à notre autre enfant de profiter d’un événement», a déploré Mme Leclerc.
Pour Nathalie Richard, pas question de changer David, son fils de 10 ans atteint de paralysie cérébrale, sur un plancher de toilette publique. «C’est dégueulasse. Souvent, les toilettes pour handicapées sont les plus sales», a commenté la résidante de Verdun. L’été, elle peut le faire dans la voiture, la porte ouverte. L’hiver, au centre commercial, elle s’installe sur des divans au milieu des corridors. Mais David ne sent sent plus à l’aise d’être ainsi exposé au regard des passants.
«Aller à la toilette, c’est un besoin de base. Les personnes handicapées sont brimées dans leur dignité, considère Mme Richard. On ne devrait pas être pris dans son pipi ou être confiné à la maison parce qu’on ne peut pas aller aux toilettes.»
Une solution existe pourtant. D’après Mme Richard, plusieurs écoles spécialisées ont des salles fermées équipées de tables à langer de format adultes et de lève-personnes. Au Québec, le CHU Sainte-Justine a aménagé une telle salle dans son nouveau pavillon, à la suite d’une demande du comité des usagers. Elle n’est toutefois pas encore opérationnelle. L’Hôpital de Montréal pour enfants dit faire actuellement des démarches en ce sens.
Mme Richard et Mme Leclerc disent également en avoir identifié dans des lieux publics en Ontario, aux États-Unis et dans certains pays européens. Mme Leclerc a été particulièrement inspirée par le consortium britannique Changing Places, qui a réussi à faire installer depuis 10 ans au Royaume-Uni plus de 900 toilettes correspondant à des standards précis permettant aux personnes handicapées d’être changées.
Pour faire bouger les choses au Québec, Mme Leclerc a déposé le 9 décembre une pétition à l’Assemblée nationale, qui a récolté à ce jour plus de 600 signatures. Elle réclame la création d’un comité interministériel qui serait chargé de définir des standards de salles de changement et de déterminer quels bâtiments publics devraient être tenus de s’en doter.
La ministre déléguée à la réadaptation, Lucie Charlebois, a de son côté fait savoir par la voix de son attachée de presse que le gouvernement était sensible à cette situation. «Lorsque la pétition sera officiellement déposée à l’Assemblée nationale, nous y donnerons les suites appropriées», a écrit cette dernière, Bianca Boutin, par courriel.
Faciliter la vie aux proches aidants
Stéphanie Leclerc n’en est pas à son premier combat pour améliorer la vie des personnes handicapées et de leurs proches aidants. Elle et une autre mère ont réussi à pousser une vingtaine de commerces, dont deux épiceries de Montréal, à se doter de Caroline’s Cart, des paniers sur roulettes munies d’un siège, permettant à une personne à mobilité réduite de s’asseoir et ainsi d’accompagner un proche faisant ses emplettes.