Les services de garde offerts aux tout-petits âgés de 0 à 5 ans devraient être gratuits, recommande la Commission sur l’éducation de la petite enfance dans son rapport rendu public mardi.
«Les services éducatifs à la petit enfance sont reconnus comme étant le premier maillon du continuum éducatif de l’enfant. Pour nous, il est important de ne pas y élever des barrières tarifaires», a affirmé le commissaire Pierre Landry. Aux yeux de ce dernier, les services de garde «devraient être gratuits au même titre que l’école».
Aucun chiffre ou échéancier n’est avancé pour implanter une telle mesure. «Notre attente, c’est que d’abord il y ait un engagement social et que les modalités, on les discute dans cette perspective», a dit le président de la commission, André Lebon.
La Commission sur l’éducation de la petite enfance, qui a été mise sur pied en septembre dernier par l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) et qui a parcouru 14 villes du Québec pour dresser le bilan des services de garde de la petite enfance, insiste dans son rapport pour parler de «services éducatifs» – sans faire la différence entre ceux offerts par le public ou le privé – plutôt que de services de garde permettant la conciliation travail-famille. Elle demande d’ailleurs au gouvernement du Québec de prendre position en ce sens et de réunir tous les services éducatifs destinés aux enfants de 0 à 16 ans sous l’autorité d’un seul ministère.
«Le but n’est pas d’aller vers une scolarisation précoce mais de garder l’approche par le jeu et stimulation», a dit la commissaire Martine Desjardins.
La commission ne va jusqu’à proposer de rendre obligatoire la fréquentation d’un service de garde, jugeant que les parents sont «les premiers responsables» de leur enfant pendant la petite enfance. Elle veut toutefois que les enfants qui ne sont pas assez stimulés puissent avoir droit à des services éducatifs adéquats.
Pour les commissaires, une attention particulière doit être apportée à ces enfants ayant des besoins particuliers et ceux issus de milieux défavorisés. Selon eux, davantage d’efforts doivent être consentis pour recruter ces tout-petits. Ils pensent aussi que les enfants qui ne fréquentent pas de services éducatifs doivent être ceux qui puissent s’inscrire à la maternelle 4 ans à temps plein.
«Si on va chercher [des enfants] qui sont déjà en milieu de garde, c’est du cannibalisme», a dit M. Lebon, qui croit que les maternelles 4 ans doivent être implantées pas seulement dans les quartiers défavorisés afin que l’ensemble des enfants vulnérables puissent être rejoints.
La qualité des services, évaluée à «passable» à l’heure actuelle, doit aussi être rehaussée, a mentionné la commission dans son rapport. Pour ce faire, celle-ci suggère entre autres d’exiger au minimum un diplôme d’études collégiales aux éducatrices et responsables de service de garde, d’évaluer tous les services à la petite enfance à tous les deux ans, d’imposer un seuil minimum de qualité des services et de retirer les crédits d’impôts «dans les milieux de garde non régis».
«Il ne faut pas qu’il y ait de mesures fiscales qui détruisent cette orientation de qualité, a dit le président de la commission. Les milieux public et privé doivent être soutenus financièrement de la même façon, en autant qu’ils offrent la même qualité.»
Les conclusions de ce rapport seront soumises à la discussion publique à l’occasion du Sommet de la petite enfance, qui aura lieu les 4 à 5 mai prochain à Montréal. Pas moins de 75 organismes y prendront part, de même que la directrice de cabinet du secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Grabriela Ramos, et la déléguée du Québec à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Julie Miville-Dechêne.
«L’objectif est de débattre du rapport et tirer le plus de consensus possible», a mentionné le directeur général de l’AQCPE, Louis Sénécal. Ce dernier, qui a assuré de l’indépendance de la démarche de la commission, a été surpris que celle-ci recommande la gratuité. «On demande l’annulation de la modulation [des frais de garde], a-t-il dit. On ne demande pas la gratuité, mais ça ne veut pas dire qu’on ne la demandera pas plus tard.»
Le ministre de la Famille, Sébastien Proulx, a indiqué par communiqué qu’il lira «avec intérêt et attention» le rapport de la commission. «La réussite éducative est une priorité pour notre gouvernement et nous sommes ouverts aux suggestions d’améliorations», a-t-il fait savoir.
Les syndicats, qui réclament un réinvestissement dans les services de garde, ont pour leur part salué les recommandations du rapport de la Commission sur l’éducation de la petite enfance. «C’est un très bon rapport. Ça nous motive à aller encore plus loin», a lancé le président de la CSN, Jacques Létourneau. Selon lui, «un rééquilibrage» entre les services publics et privés est suggéré avec la proposition de retirer les crédits d’impôt dans les milieux non régis. Avec l’instauration de la modulation des frais de garde, la CSN a vu partir 125 de ses membres qui étaient responsables d’un service de garde, certains ayant décidé d’ouvrir une garderie privée.
La CSQ voit de son côté d’un bon œil la gratuité des services de garde, qui mettrait fin, selon la centrale syndicale, à la compétition entre les centres de la petite enfance et les garderies privées.