L’affaire Sklavounos a ramené le harcèlement sexuel au cœur du débat public. Bien des personnes vivent cette situation au travail, mais n’osent pas porter plainte, de peur de perdre leur emploi ou faute de savoir à qui s’adresser. Si vous êtes victime de harcèlement sexuel, voici comment le dénoncer.
Le harcèlement sexuel est large: il comprend des avances sexuelles non désirées, des commentaires d’ordre sexuel inappropriés, des questions intimes, des regards concupiscents, des sifflements, des contacts physiques non désirés et l’affichage de matériel pornographique, selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Dès qu’une personne se sent mal à l’aise ou menacée et qu’elle ne consent pas à ces gestes, il y a harcèlement sexuel.
«Il y a dans le harcèlement une notion de répétition, comme un collègue qui nous fait toujours des clins d’œil coquins», explique Sonia Vallières, intervenante au Département de relation d’aide du Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail (GAIHST). «Quand on parle d’un geste grave, par contre, comme une agression ou un attouchement, on n’a pas besoin d’avoir la notion de répétition», nuance-t-elle. Il s’agit alors de harcèlement criminel.
Le GAIHST vient d’ailleurs en aide aux victimes de harcèlement. Ses intervenants accompagnent gratuitement et confidentiellement les victimes. Ils peuvent aussi leur offrir un soutien juridique et de la représentation au besoin, par exemple pour aider à monter un dossier de plainte. Documenter les gestes répréhensibles est recommandé, afin de fournir des preuves dans sa plainte.
Il y a dans le harcèlement une notion de répétition, comme un collègue qui nous fait toujours des clins d’œil coquins» – Sonia Vallières, intervenante au Département de relation d’aide du Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail
Comment porter plainte
Si la personne qui nous harcèle ne cesse pas son comportement malgré nos demandes, «la première chose à faire est de la dénoncer à l’interne, car selon la loi, c’est à l’employeur de prévenir et de gérer les situations de travail pour ses employés», explique Sonia Vallières. L’employeur est responsable de créer un climat de travail sain et sécuritaire. Seule une personne victime de harcèlement sexuel peut porter plainte, cependant.
La réaction de l’employeur a d’importantes conséquences pour la suite. «Le fait d’être cru est crucial dans ce genre de dossier-là. Ces victimes se sentent isolées, elles ne savent pas comment réagir. Le fait de les croire les aide à reprendre les rênes de la situation», ajoute l’intervenante.
Si l’employeur ne fait rien pour mettre fin au comportement inapproprié, la personne victime doit porter plainte à son syndicat. Si elle n’est pas syndiquée, elle peut porter plainte à différentes instances, selon la nature de son travail. «La plainte n’est pas contre la personne qui fait le harcèlement, mais contre l’employeur qui a failli à son mandat. Donc, si l’employeur de la victime n’est pas au courant du harcèlement, c’est difficile de porter plainte contre lui. Il arrive que les employeurs prennent ça plus au sérieux quand c’est écrit plutôt que verbal», fait valoir Sonia Vallières.
Les travailleurs régis par les lois fédérales, par exemple les employés du gouvernement fédéral ou des banques, peuvent s’adresser à Emploi et Développement social Canada ainsi qu’à la Commission canadienne des droits de la personne.
Les autres travailleurs peuvent porter plainte à la CNESST et à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à l’exception des travailleurs autonomes, qui ne peuvent s’adresser qu’à cette dernière. Selon l’instance, il y a un délai de 90 jours à 2 ans en date de la dernière manifestation de harcèlement pour porter plainte.
Selon Sonia Vallières, même si la démarche est difficile, la dénonciation est le seul moyen de faire cesser le harcèlement, puisque c’est le silence qui lui permet de durer.