Il existe, comme dans tous les domaines, une pléiade de types de professeurs universitaires : les passionnés de recherche, les passionnés d’enseignement. Ceux qui adorent leur job (celle-ci le leur rend habituellement bien) et ceux qui la détestent (celle-ci le leur rend habituellement bien).
Il y a ceux qui snobent, disent-ils, les médias (mais qui vendraient leur mère pour y avoir une quelconque visibilité, allant jusqu’à les appeler pour autosolliciter une entrevue!) et ceux qui jouent le jeu en se disant que, malgré les méandres de l’opération, il appartient aux intellectuels de démocratiser, de bonne foi, la science et l’information.
Il y a, enfin, ceux qui militent pour une cause. Certains à visage découvert, alors que d’autres se drapent dans une prétendue «objectivité universitaire», occultant leur biais évident, par exemple en assurant la présidence d’une association d’un parti politique.
Non seulement cette liste n’est pas exhaustive (certains préfèrent par exemple les postes de direction), mais rien n’empêche, il va de soi, la fusion des profils ci-dessus mentionnés.
Polyvalent, le professeur Alain Roy est un de ceux qui, avec aisance, valsent d’une catégorie à une autre. Carrière universitaire remarquable. Assez pour recevoir une multitude de prix, le dernier étant la médaille de l’Assemblée nationale. Vous voyez le genre.
La contribution universitaire à la vie sociétale peut être énorme. De plusieurs façons, incluant celle du militantisme transparent, désintéressé et de bonne foi.
Pédagogue et chercheur reconnu, Me Roy s’est investi, assez récemment, d’une nouvelle mission: promouvoir diverses causes sociétales lui tenant à cœur. À la demande expresse du gouvernement Couillard, il accepte ainsi d’assurer la présidence du comité consultatif sur le droit de la famille. Une mégajob…bénévole. Résultat? Une tonne de recommandations (82), à la fois sensées, innovatrices et porteuses.
Bien que le rapport ait été déposé en 2015, aucun écho concret ne s’est fait entendre à ce jour à Québec. D’aucuns se décourageraient à moins, retourneraient à leur salle de cours et enverraient paître le rôle de l’intellectuel dans la Cité. Mais pas Me Roy. Sans laisser tomber le combat précédent (ce serait mal le connaître), il se lance aujourd’hui, assisté par une douzaine d’étudiants, dans une autre galère: faire interdire par les tribunaux un rodéo prévu en août prochain à Montréal. Le motif? Que celui-ci viole la nouvelle Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, laquelle refuse qu’un animal soit «exposé à des conditions qui lui causent une anxiété ou une souffrance excessive». Tel serait, sans surprise, le cas des bêtes utilisées au cours des rodéos.
Fait intéressant, lors de l’adoption de la loi, le ministre Paradis affirmait qu’en déposant le projet, «[…] je pensais faire progresser le Québec de 20 ans en la matière, mais c’est plutôt de 200 ans qu’on l’a fait évoluer […] Les parlementaires ont été la voix des animaux.» Ça sent la victoire judiciaire, si vous voulez mon avis.
Morale de l’histoire? La contribution universitaire à la vie sociétale peut être énorme. De plusieurs façons, incluant celle du militantisme transparent, désintéressé et de bonne foi. Suffit d’avoir le talent. Et d’oser sortir de sa tour d’ivoire.