Il y a un problème musulman au Québec. L’affaire du cimetière de Saint-Apollinaire n’en est que la toute dernière manifestation.
Supposons, comme ça, qu’un groupe de chrétiens protestants ou orthodoxes ait entamé des démarches pour acquérir un terrain quelque part au Québec afin d’y installer un cimetière confessionnel réservé à ses membres. Croyez-vous qu’on en aurait entendu parler? Y aurait-il eu manchettes, chroniques et débats? La nouvelle aurait-elle enflammé Facebook? Y aurait-il eu référendum?
Bien sûr que non.
Il y a toutes sortes de cimetières au Québec, quasiment autant qu’il y a de communautés religieuses. Il y a même, depuis longtemps, un cimetière musulman à Laval, avec une clôture séparant les sépultures sunnites des chiites. Personne ne semblait y voir un quelconque problème. Les cimetières confessionnels, finalement, c’est comme les lieux de culte, églises, synagogues, temples, mosquées : chacun le sien, chacun ses croyances et ses rites, chacun sa secte.
L’affaire du cimetière musulman est la dernière illustration du problème musulman au Québec: celui de la discrimination envers une minorité religieuse. Il est temps de le reconnaître et de commencer à réfléchir collectivement à des solutions.
Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire: pourquoi vous voulez votre propre mosquée ou votre synagogue, il y a déjà plein d’églises au Québec, il nous fera plaisir de vous en offrir une partie pour que vous puissiez faire votre prière en même temps que la messe du dimanche. Tsé, vivre ensemble, croire ensemble, prier ensemble, mourir ensemble, tout ça!
Pour le croyant, la mort est la justification ultime de sa croyance, c’est la raison de son dogme. Pour lui, pouvoir choisir où et comment entamer son dernier voyage revêt une importance dogmatique fondamentale. C’est «son» dernier acte sur terre avant de rencontrer son créateur. Et même s’il n’y a rien dans la religion musulmane qui oblige les croyants à être enterrés dans leurs propres cimetières, il est du droit fondamental de chacun – celui de croyance religieuse, d’être mis en terre où et comment il le souhaite. On est aussi en droit de trouver la croyance absurde, de ne pas y adhérer, voire de la critiquer, mais on ne peut nullement nier ce droit essentiel et fondamental à une partie, aussi minoritaire soit-elle, de nos propres concitoyens.
Encore une fois, imaginons qu’il s’agisse d’un futur cimetière bouddhiste, animiste ou même de témoins de Jéhovah. Vous le voyez, le problème?
Soyons honnêtes. Disons les choses telles qu’elles sont, franchement : c’est parce qu’il s’agit d’un groupe de musulmans qu’il y a débat, indignation et référendum.
Ne nous cachons plus la tête dans le sable. Le problème n’est pas le cimetière, le problème est qu’il s’agit d’un cimetière musulman. Il y a un problème musulman au Québec, sérieux, tragique – on le savait tous depuis le drame du 29 janvier. Il y a la peur des musulmans, il y a discrimination, il y a xénophobie, il y a racisme. Il est temps de le reconnaître – collectivement. Il est aussi urgent de commencer à le comprendre, à en déterminer et expliquer les causes et, surtout, à mettre en place des solutions.
@Houssein