QUÉBEC — Alexandre Bissonnette, le présumé auteur de la fusillade de la grande mosquée de Québec, n’aura pas droit à une enquête préliminaire et ira directement à procès.
La Couronne a déposé, lundi, un acte d’accusation direct, qui accélère les procédures.
«C’est une décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales qui s’est prévalu d’une prérogative qui lui appartient, a déclaré le procureur Thomas Jacques. C’est une décision qui a été longuement mûrie et qui a été prise dans l’intérêt public.»
La question des délais a pu effectivement «faire partie des facteurs considérés», a-t-il précisé.
Le délai maximal pour la tenue d’un procès fixé par l’arrêt Jordan de la Cour suprême est de 30 mois, entre l’accusation et la fin d’un procès.
Bissonnette, âgé de 27 ans, est accusé du meurtre prémédité de six hommes qui se trouvaient à la grande mosquée de Québec, le soir du 29 janvier dernier, où il se serait présenté armé. Il est aussi accusé de cinq autres chefs de tentative de meurtre.
Un douzième chef d’accusation s’est ajouté lundi, a expliqué Me Jacques. Il s’agit d’un chef de tentative de meurtre avec usage d’une arme à autorisation restreinte. Ce chef vise 35 victimes, dont quatre enfants, qui étaient physiquement en présence de l’accusé au moment où les gestes reprochés à celui-ci se sont produits.
Veuves présentes
La poursuite a ainsi indiqué au juge Jean-Louis Lemay avoir complété la divulgation de la preuve. Son acte d’accusation est aussi complet.
Aucun chef de terrorisme n’a donc été déposé, ce qu’a déploré lundi Boufeldja Benabdallah, vice-président du Centre culturel islamique.
«Il a ciblé un groupe de musulmans assis, en train de faire leurs prières, dans une mosquée, s’est-il indigné devant les journalistes. Il faut que cet acte terroriste soit reconnu et qu’il soit condamné pour ça, pour que ça fasse aussi une sacrée leçon pour la société québécoise, canadienne et pourquoi pas, mondiale.»
Me Jacques a justifié la décision comme suit: «L’ensemble de la preuve recueillie par les divers corps policiers impliqués dans cette enquête d’envergure a été rigoureusement analysée, et les accusations portées sont le fruit et de la preuve recueillie, de la preuve disponible et de l’état actuel du droit au Canada.»
Pour la première fois depuis la tragédie, cinq des six veuves touchées par le drame ont pris place dans la salle où Bissonnette, chétif, les cheveux en bataille et vêtu d’un chandail gris, comparaissait.
Elles étaient accompagnées de Saïd El-Amari, qui a été grièvement blessé lors de la fusillade.
Pleurant à chaudes larmes, les femmes ont préféré quitter le palais de justice en silence après les procédures, au lieu de s’adresser aux médias.
«C’est extrêmement difficile, a quant à lui commenté Boufeldja Benabdallah. Ce sont des gens qui sont psychologiquement complètement renversés.»
D’après lui, «la douleur n’est pas encore partie». «Elles attendent toujours leurs maris le matin, et ils ne sont pas là.» Les enfants aussi doivent «panser leurs plaies», a-t-il dit, en souhaitant qu’ils deviennent un jour des «ambassadeurs de la paix».
De retour en cour le 11 décembre
Par ailleurs, M. Benabdallah s’est dit soulagé que les 35 personnes présentes à la mosquée le soir du drame n’aient pas été «laissées pour compte».
Ces survivants ont aussi vécu «une descente aux enfers», a-t-il expliqué.
«Ils ont été blessés dans leurs corps, dans leur moral, dans leur psychique et c’est la justice qui est en train de jouer un rôle fondamental pour régler ces blessures.»
Aucune demande de remise en liberté n’a été annoncée par les avocats de Bissonnette.
Les parties seront de retour devant le tribunal le 11 décembre. La poursuite se déclarera alors prête à fixer une date de procès, procès qui aura lieu devant juge et jury, à la Cour supérieure du Québec.