QUÉBEC — Le résultat du référendum catalan est-il valide ou non? Les avis fluctuent au Parti québécois: Jean-François Lisée refuse de dire clairement oui, mais son député Stéphane Bergeron, qui est sur place, franchit ce pas.
Le chef péquiste a soutenu lundi que le résultat «oblige à une action» et qu’il ne veut pas en dire plus que les Catalans, tandis que pour le député de Verchères, «le scrutin est valide» et la Catalogne est en droit de proclamer son indépendance dans les prochains jours.
Le référendum s’est déroulé sur fond d’affrontements dimanche dans cette région du nord-est de l’Espagne, une région partenaire et amie du Québec.
La garde civile, la gendarmerie nationale espagnole, a tenté par la force sur ordre du gouvernement central madrilène d’empêcher les citoyens d’aller voter. Le dernier bilan d’Associated Press fait état de plus de 800 blessés. Le oui l’a emporté avec 90 pour cent, mais le taux de participation s’établit à 43 pour cent.
En conférence de presse au Parlement lundi matin, le chef de l’opposition officielle a soigneusement évité de s’aventurer trop loin, quant à savoir si le résultat du référendum est valide malgré les irrégularités et les brutalités policières.
«Je crois que le résultat oblige à une action, a-t-il répondu. Je n’en dirai pas plus que les Catalans eux-mêmes, les Catalans ont donné leurs résultats. Les observateurs internationaux ont indiqué que, sauf pour les cas où les forces policières espagnoles ont empêché le scrutin, le scrutin s’est correctement déroulé.»
La porte-parole du PQ, Valérie Chamula Pellerin, a quant à elle indiqué que les Catalans soutiennent que «le référendum est valide et contraignant», donc M. Lisée a voulu dire la même chose qu’eux.
«Toute la légitimité pour procéder»
Dans une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne en après-midi depuis Barcelone, M. Bergeron a affirmé que «le scrutin est valide», parce que plus de trois millions d’électeurs sur cinq se sont exprimés, même si les résultats sont «parcellaires», du fait des 700 000 bulletins de vote confisqués par Madrid.
Mais une fois ces votes répartis, on arrive à plus de 50 pour cent de taux de participation, a-t-il fait valoir, et «une majorité claire pas mal plus significative que la plupart des élections dans les démocraties occidentales».
Il a rappelé qu’en vertu de la loi catalane, les résultats officiels doivent être transmis au Parlement et que 48 heures plus tard, il doit y avoir proclamation d’indépendance.
«Le gouvernement catalan a toute la légitimité pour procéder», a-t-il estimé, en ajoutant que le président régional de la Catalogne, Carlos Puigdemont, a néanmoins encore appelé au dialogue avec Madrid.
«Les jours à venir risquent d’être pour le moins critiques et je ne sais pas ce qu’il adviendra de cette ‘révolution des sourires’ (nom donné à cette phase politique indépendantiste en Catalogne) si Madrid devait maintenir cette ligne dure à l’égard du peuple catalan.»
Le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy maintient pour sa part qu’il n’y a pas eu de référendum dimanche.
M. Bergeron a rencontré lundi la directrice des Relations internationales du gouvernement catalan. Le député lui a rappelé que le Québec est «l’ami» de la Catalogne et qu’il allait intercéder pour que Québec et Ottawa interviennent afin de faire baisser la tension.
«Eux-mêmes sont dans le flou absolu. Madrid a manoeuvré de façon opiniâtre pour empêcher le moindre contact entre la Generalitat (le gouvernement catalan) et les États étrangers, pour trouver une voie vers le dialogue.»
Pour ce qui est de la tournure des événements, si elle n’est pas de nature à refroidir les Québécois à propos de la souveraineté, le député de Verchères a répondu après un peu d’hésitation que les deux situations n’étaient pas comparables.
Motion pour condamner l’Espagne
Le Parti québécois déposera une motion à l’Assemblée nationale mardi pour condamner l’État espagnol et appeler à une médiation internationale en vue de résoudre le conflit _ conformément à la demande du gouvernement catalan.
«Que l’Assemblée nationale condamne les gestes de violence perpétrés par les forces policières espagnoles à l’endroit des citoyens catalans à l’occasion du référendum sur l’autodétermination de la Catalogne», affirme le libellé de la motion, qui doit recueillir le consentement de tous les partis pour être débattue. Le PQ confirme que le texte de la motion a été envoyé aux autres partis.
Selon M. Lisée, il ne suffit pas de dénoncer la violence, comme ce qu’a fait le premier ministre Philippe Couillard, mais il faut identifier le responsable. Il estime que la prudence des gouvernements et de la communauté internationale a donné «un chèque en blanc» à Madrid dans sa répression.
«Ne pas nommer les responsables de la violence, ce serait comme de dire: on trouve ça dommage qu’il y ait des dissidents emprisonnés en Chine on ne sait pas par qui, on trouve ça dommage qu’il y ait des journalistes assassinés en Russie on ne sait pas par qui», a illustré M. Lisée.
Philippe Couillard a déjà condamné la violence en Catalogne «de quelque source qu’elle vienne», tandis que le chef caquiste François Legault a déploré «l’utilisation de la force et de la répression par l’État espagnol».
Le Québec et la Catalogne entretiennent des relations bilatérales. Les deux gouvernements ont signé une entente de coopération en 1996 qui s’étend à plusieurs domaines, dont la culture et l’éducation. Le Québec a un bureau à Barcelone, une ambassade en quelque sorte.