OTTAWA — Le gouvernement Trudeau réprouve timidement la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y déménager éventuellement l’ambassade des États-Unis.
«Le Canada a une politique, depuis très longtemps, de pousser pour une solution à deux États, d’encourager les négociations directes entre tous les pays, toutes les parties concernées, particulièrement le peuple juif et palestinien», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau depuis la Chine où il est en voyage.
M. Trudeau a soutenu que le Canada ne déménagera pas son ambassade. «Elle va rester à Tel-Aviv», a-t-il lancé.
Il s’agit d’une position de longue date, a soutenu plus tôt la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. «La question du statut de Jérusalem ne peut être résolue que dans le cadre d’un règlement général du conflit israélo-palestinien», a-t-elle déclaré par voie de communiqué.
«Nous lançons un appel au calme et continuons à soutenir la création de conditions nécessaires pour que les parties puissent trouver une solution», a ajouté la diplomate en chef du Canada, qui se trouve actuellement en Belgique.
Au parlement, sa collègue au Développement international, Marie-Claude Bibeau, a signalé qu’Ottawa n’avait aucunement l’intention d’emboîter le pas à Washington. «Notre position à nous est claire, c’est qu’on n’a aucune intention de déménager la nôtre», a-t-elle tranché.
Le secrétaire parlementaire responsable du dossier des relations canado-américaines, Andrew Leslie, a abondé dans le même sens face à cette «décision unilatérale du président des États-Unis», mercredi matin.
«Nous concentrons nos efforts à établir des conditions équitables pour que les deux pays puissent exister ensemble», a-t-il affirmé à son arrivée à la rencontre hebdomadaire du caucus de son parti.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a sévèrement critiqué la décision de l’administration Trump. «Ça sème la division. C’est contre-productif», a-t-il tranché en point de presse dans le foyer de la Chambre.
Il n’est pas allé jusqu’à exhorter le premier ministre Trudeau à prendre le téléphone pour dire toute sa désapprobation à Donald Trump, se contentant d’offrir que «comme pays, c’est notre responsabilité dans un contexte international de montrer du leadership».
Sa députée Hélène Laverdière, en revanche, a réclamé du gouvernement qu’il entreprenne «formellement des démarches auprès du gouvernement américain» lors de la période de questions en Chambre.
L’élue s’est demandé «où est la voix du Canada» en cette «journée dévastatrice pour ceux qui croient en la paix, la justice et la sécurité au Proche-Orient».
Au Parti conservateur, on s’est emmuré dans le silence. L’équipe d’Andrew Scheer avait signalé qu’il se rendrait disponible pour les médias, mais le chef ne s’est finalement pas présenté devant les micros.
Même mutisme du côté de la députée Kellie Leitch — celle-là même qui avait importé au Canada pendant sa campagne à la direction du parti l’idée de Donald Trump et promis de déménager l’ambassade canadienne à Jérusalem si elle était élue chef, puis première ministre.
«Je suis désolée, je ne sais pas exactement ce qu’il (le président américain) a dit. Merci de me poser la question, mais je vais aller regarder exactement ce qu’il a dit avant de répondre à votre question», a offert l’élue en pressant le pas.
Le député bloquiste Luc Thériault pense que cette décision «risque d’augmenter les tensions» et croit que le président américain «devrait travailler à une solution pacifique» plutôt que «de jouer avec le feu dans un entrepôt de dynamite».
Le B’nai Brith veut un déménagement
De son côté, l’organisation B’nai Brith Canada a appelé le gouvernement Trudeau à imiter l’administration Trump, plaidant dans un communiqué qu’Ottawa doit «reconnaître Jérusalem comme capitale israélienne et faire des plans pour relocaliser son ambassade de Tel-Aviv».
«Reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël fera avancer le processus de paix (…). La vraie paix est seulement possible quand tous les côtés reconnaissent le lien indélébile entre le peuple juif et leur ville la plus sainte», a soutenu Michael Mostyn, de B’nai Brith Canada.
L’annonce du locataire de la Maison-Blanche, qui a justifié son geste en plaidant qu’une «nouvelle approche» s’imposait, marque une rupture par rapport à la position en vigueur depuis des décennies aux États-Unis. Mais surtout, elle risque de provoquer de violentes manifestations.
Les États-Unis n’avaient jamais reconnu la souveraineté d’Israël sur une portion ou sur la totalité de Jérusalem, et avaient toujours dit que le sort de la ville devrait être réglé dans le cadre de négociations entre Israéliens et Palestiniens.