L’ex-gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean qualifie d’«insulte à l’humanité» les propos attribués au président américain Donald Trump pour décrire son pays d’origine, Haïti, et les pays africains.
Lors d’une réunion avec des élus, jeudi, M. Trump aurait demandé pourquoi les États-Unis devraient accepter plus d’immigrants d’Haïti et de «pays de merde» («shithole countries») en Afrique, plutôt que de nations comme la Norvège.
Mme Jean, qui est née à Port-au-Prince, a qualifié ces propos de «troublants» et d’«insulte à l’humanité». Celle qui a été représentante de la reine Élisabeth II au Canada de 2005 à 2010 a par ailleurs rappelé que l’on commémorait vendredi le tremblement de terre qui a dévasté son pays natal il y a huit ans.
Le président Trump a reconnu vendredi matin sur Twitter qu’il avait utilisé lors de cette réunion un langage musclé, mais pas les mots qu’on lui attribue depuis jeudi. Mme Jean, actuellement secrétaire générale de la Francophonie, n’en démord pas.
«J’ai été si bouleversée ce matin d’apprendre les commentaires du président Trump, repris dans les médias, et qualifiant mon pauvre pays natal et des pays africains de nations « de merde », écrit-elle dans une déclaration transmise à La Presse canadienne. Il s’agit d’une telle insulte face à l’humanité. Il est assez troublant et injurieux que le premier représentant des États-Unis d’Amérique utilise un tel langage.»
Le premier ministre Justin Trudeau a refusé de commenter directement l’affaire, vendredi, se contentant de déclarer que «le Canada est un pays qui est là pour aider ses amis et ses voisins, et qui le fait toujours avec respect et ouverture».
«Comme vous le savez très bien, je ne vais pas commenter sur ce que M. Trump aurait ou n’aurait pas dit», a-t-il indiqué à l’issue de la réunion présessionnelle du cabinet libéral à London, en Ontario. «Aujourd’hui, je veux prendre un moment pour être non seulement le premier ministre, mais le fier député de Papineau — j’ai l’honneur d’avoir une grande communauté haïtienne à l’intérieur de mon comté — et aujourd’hui, on se souvient du terrible tremblement de terre d’il y a huit ans.»
«Ignorance», dit Dominique Anglade
La ministre québécoise de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, elle aussi d’origine haïtienne, a profité d’un hommage ému à ses parents décédés dans le tremblement de terre du 12 janvier 2010 pour dénoncer au passage les propos de Donald Trump, sans le nommer.
«Que des leaders politiques se permettent aujourd’hui de dénigrer de façon éhontée cette nation haïtienne ne fait que témoigner de leur ignorance face à l’apport de ce pays», écrit Mme Anglade sur sa page Facebook. «De l’abolition de l’esclavage à l’émancipation des peuples noirs, de la libération de l’Amérique latine aux contributions littéraires, sociales et scientifiques, Haïti a été partie prenante de nombreux combats qui ont marqué notre humanité.»
Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti, à Montréal, trouve «inimaginable qu’un président de la république puisse tenir un tel discours».
«Même le tweet pour nier ses propos était raciste, dit-elle en entrevue téléphonique. Je pense que c’est un manque d’intelligence. Je pense qu’il n’a aucune éducation et qu’il ne connaît pas l’histoire, et qu’il ne comprend même pas la géopolitique (…) Et il oublie que son pays est fondé sur l’immigration.»
Les propos attribués au président Trump ont été dénoncés un peu partout sur la planète, à commencer bien sûr par l’Afrique, mais aussi aux États-Unis. Le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, Rupert Colville, a soutenu vendredi que si ces propos sont avérés, «je suis désolé, mais on ne peut les qualifier autrement que de racistes».