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Le tribunal de l’opinion populaire

Le mouvement #moiaussi, incluant sa suite logique 
de #etmaintenant, est absolument pertinent, nécessaire et légitime. 
J’en ai traité ici dans une chronique intitulée «#moiaussi ou les limites du droit criminel».

Et maintenant? On profite de l’élan, je dirais. Parce que, si le mouvement actuel a indubitablement éveillé des consciences, faudra maintenant moduler les institutions judiciaires et policières en conséquence. Comme sait le faire un État de droit. Par exemple en lançant un chantier réflexif où divers experts seront appelés à discuter des changements pertinents. Tant à Québec qu’à Ottawa.

Et pourquoi une telle réforme? Parce qu’un État de droit ne peut saborder ses institutions judiciaires et policières au profit d’un tribunal de l’opinion populaire administré par les médias. En fait, et bien 
que le mouvement actuel soit indubitablement salutaire, sa méthode comporte, tôt ou tard, son lot d’écueils. Pensons à l’arbitraire, à l’absence de nuances et au refus, au moins partiel, de la présomption d’innocence.

Quelques exemples rapides.Vous avez remarqué le traitement similaire, par les médias, des affaires Rozon et Salvail? Pourtant, alors que des dénonciations formelles ont été déposées contre le premier (des accusations devraient voir le jour incessamment), rien de ce type n’incombe, du moins pour l’instant, à Salvail. Rozon, dénonciations criminelles. Salvail? Rien. Même traitement médiatique pourtant. Et côte à côte dans un magazine 
7 Jours près de chez vous. Est-ce à dire qu’il convient de défendre l’animateur-vedette. Ben non. Pas moi, en tout cas. Mais entre des allégations de violation du Code criminel et d’autres de comportements débiles, mais légaux, y a une marge.

Mieux encore: la terrible «affaire» Gilbert Sicotte. Celui-là qui, à son corps défendant, a aussi vu sa tronche côtoyer celle de Rozon, toujours dans un 
7 Jours près de chez vous. Et il a fait quoi, Sicotte? Ah oui, de «l’inconduite». Hipelaye. Parle-moi d’un beau terme flou, englobant à la fois des trucs ultra-graves, importants et quasi insignifiants. Sacrer sur un étudiant et violer une quidam en appellent, ni plus ni moins, aux mêmes termes. Sympathique. Au diable la nuance, et vive l’arbitraire.

J’insiste un peu trop sur l’importance de la loi, de la norme? Peut-être. Mais c’est le meilleur moyen, à mon avis, de savoir ce qui, ou non, peut être puni par la société. Autrement, on nage dans le discrétionnaire le plus complet.

Parlant de ça. Vous 
vous souvenez le truc sur Claude Jutra? Un seul article dans La Presse, basé sur un seul témoignage anonyme (un autre, visière levée, confirmera quelques jours plus tard), aura coulé la réputation du bougre. Publié vers 6h du mat, le texte oblige les politiciens à réagir en toute hâte. À 10h, cette même journée, fini, le Jutra. Une vérif policière sur les allégations faites contre le défunt, peut-être? Bah non. Un article, un seul, suffit.

Peu après, on apprend que Jacques Languirand a admis, à sa biographe, avoir violé à maintes reprises sa propre fille. Conséquence médiatique? Rien. Voilà pour l’arbitraire.

Présomption d’innocence, maintenant. Lors 
de la Commission 
Charbonneau, un ancien employé du parti de Gérald Tremblay accuse ce dernier d’avoir été au courant 
d’un système de comptabilité parallèle. Sans contre-vérif, La Presse titre le lendemain: TREMBLAY SAVAIT! Le tout en majuscules, et avec une photo du maire aux allures de chevreuil aveuglé par des lumières de char. Dès le lendemain, le ministre responsable de la Métropole, Jean-François Lisée, affirme que «le statu quo est intenable!» Résultat? Bye-bye, maire Tremblay. Le problème? Que Martin Dumont ait admis, après coup, avoir menti. S’être parjuré. Hon… Et dites donc, il a été accusé de quoi, à ce jour, Gérald Tremblay?

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