MONTRÉAL – Vertement critiqué après que sa chef Pauline Marois eut laissé entendre que les fonctions électives seraient interdites aux anglophones, aux autochtones et aux nouveaux arrivants s’ils n’ont pas une «connaissance appropriée» de la langue française, le Parti québécois a été contraint, mercredi, de préciser sa position.
La démonstration d’une «connaissance appropriée du Québec et de la langue française» serait requise pour les nouveaux arrivants seulement, car les citoyens vivant dans la province obtiendraient la citoyenneté québécoise automatiquement advenant la concrétisation du projet de loi 195.
Résultat: les anglophones et les autochtones qui ne maîtrisent pas le français pourraient se présenter à des élections.
Au PQ, le député sortant de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, a expliqué ainsi la position de son parti: «ce qu’on souhaite, c’est qu’éventuellement, on se dirige vers un Québec où les représentants choisis par les citoyens puissent communiquer dans un langage minimalement approprié en français avec les gens qu’ils représentent».
«On le souhaite, parce que le français est la langue de la majorité au Québec, c’est la langue officielle», a-t-il ajouté.
Le chef libéral, Jean Charest, a interprété cette précision comme étant une volte-face de la part des péquistes.
«J’ai rarement été témoin d’une telle improvisation sur un sujet aussi peu banal que le droit de se présenter aux élections», a commenté M. Charest mercredi lors d’un point de presse à Saint-Jean-sur-Richelieu.
«Cette proposition politique existe depuis des années au Parti québécois. Depuis qu’ils l’ont dévoilée, ils ont continué à dire qu’elle ferait partie du premier projet de loi qu’ils présenteraient. Mme Marois prend la peine de le réitérer et là, aujourd’hui, vous m’apprenez qu’ils ne le font plus. A-t-on besoin d’en dire plus?»
La position controversée de Pauline Marois a aussi suscité de vives réactions dans les communautés autochtones.
Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard, a lancé mercredi qu’il valait mieux continuer d’ignorer les Premières Nations pendant la campagne électorale plutôt que de tenter de leur imposer la citoyenneté québécoise et la langue française.
«C’est malheureux que ce soit par une bévue que la question autochtone soit abordée dans le cadre de la présente campagne», a déclaré M. Picard lors d’un entretien téléphonique avec La Presse Canadienne.
«Mais ça ne change rien à notre opinion concernant les questions qui nous préoccupent et auxquelles les partis politiques devraient s’attarder plus sérieusement, qui incluent évidemment la citoyenneté et la langue mais aussi les territoires et les ressources», a-t-il ajouté.
Le leader de l’APNQL a ajouté que les Premières Nations n’accepteraient jamais que Québec ou Ottawa les oblige à respecter une loi avec laquelle elles ne sont pas d’accord.
Au Nunavik, la porte-parole Kitty Gordon de la Société Makivik, un regroupement voué à la protection de la langue et de la culture inuites, s’est moquée de l’idée de soumettre des anglophones et des autochtones à des tests linguistiques pour qu’ils puissent se présenter aux élections municipales.
«Est-ce qu’ils sont en train de dire que les Québécois étaient ici en premier et que c’est la raison pour laquelle nous devons parler français? C’est comme dire que les Inuits étaient là en premier, donc qu’il faut parler inuktitut», a-t-elle fait valoir lors d’une entrevue avec La Presse Canadienne.
La grande majorité des leaders inuits d’hier et d’aujourd’hui s’expriment en anglais et en inuktitut. «Les générations plus jeunes parlent français, mais pas tous», a expliqué Mme Gordon.
Questionné sur la possibilité que les résidants du Labrador obtiennent la citoyenneté québécoise, Alexandre Cloutier a indiqué que celle-ci ne pourrait leur être reconnue, car la résidence demeurerait un critère important pour son obtention.
«Nos amis autochtones auront la chance de venir exprimer des particularités en commission parlementaire», a-t-il cependant précisé.
«On a déposé le projet de loi dans un esprit d’ouverture et ceux qui veulent se faire entendre pourront venir le faire.»
Le projet de loi sur la citoyenneté québécoise proposé par le Parti Québécois reprendrait les dispositions contenues dans le projet de loi 195, qui avait été déposé à l’Assemblée nationale en 2007.
En vertu d’une telle loi, un immigrant qui ne démontrerait pas une «connaissance appropriée» de la langue française serait privé de la citoyenneté québécoise. Il lui serait donc interdit d’être candidat aux élections québécoises, municipales et scolaires, ainsi que de financer un parti politique et d’adresser une pétition à l’Assemblée nationale.