Je fais peu ou pas, comme chroniqueur, dans le drame humain. D’autres s’y connaissent bien mieux et y excellent. Citons le cas de l’ami Bruno, un pro lorsqu’il s’agit de rattacher l’humain au politique. L’idée du texte que vous lisez ici, c’est de lui.
Parce que, oui, nombre de catastrophes perso trouvent, au moins en un sens, une résonance politique. C’est le cas de la triste histoire d’Athena Gervais. Tout juste 14 ans. Et elle a fait quoi, Athena? Le classique des ados du même âge, piquée à la fois par la curiosité pour les effets de l’alcool et par la volonté d’avoir l’air cool.
La pub du truc? Celle-ci: «Mettre du guarana dans un nectar de raisin à 11,9%, c’est comme booster son char sport avec de la nitro. Si tu veux passer de zéro à party en quelques gorgées, bois le mauve.»
Pas mal, non? Presque 12% dans une bouteille de 568 ml, à laquelle on ajoute, sans scrupule ni contrôle, du guarana. La présence de cette substance, nous dit la porte-parole de l’Association pour la santé publique du Québec, est particulièrement inquiétante, «car on sait que le mélange d’une boisson énergisante avec de l’alcool masque les effets de l’alcool. Cette combinaison accroît l’adoption de comportements à risque, notamment prendre le volant alors qu’on a les facultés affaiblies par l’alcool». De toute beauté. Une seule bouteille de Fckd Up équivaudrait donc, sans qu’on s’en rende trop compte, à quatre verres de vin. Athena s’en serait enfilé deux. Huit verres de vin. À 14 ans.
La responsabilité des parents? Come on. Non. Plate à dire, mais le responsable, dans ce cas précis, a pour nom l’État. C’est lui qui permet que des saloperies de type Fckd Up puissent se retrouver aussi facilement entre les mains de jeunes comme Athena.
Qu’est-ce que cette bombe à ados foutait sur les tablettes des dépanneurs Couche-Tard, particulièrement ceux à proximité d’écoles secondaires? Pourquoi ne pas les interdire, tout simplement? En effet, à moins de croire à une conscience désintéressée des entreprises, il serait difficile de leur demander candidement de bannir elles-mêmes un produit potentiellement lucratif.
En fait, la première responsabilité de l’affaire revient essentiellement à Santé Canada. Cet organisme public refuse d’évaluer ou d’approuver les boisson alcoolisées avant leur mise en marché. Seule condition? Ne pas ajouter de caféine à la boisson alcoolisée en question. Nuance majeure: il est permis d’ajouter certains trucs aromatisants, comme le guarana. Brillant.
Sachant que le mélange d’alcool et de ce même guarana a presque des effets de nytroglycérine, appelons ça de l’indolence pure.
C’est ainsi que Philippe Couillard a eu raison d’imputer à Santé Canada le blâme principal dans cette histoire. Il reste toutefois que Québec pourrait faire preuve de leadership et au moins baliser l’existence de cette véritable mine anti-personnel, notamment en vertu de sa compétence constitutionnelle en matière de santé et de ses pouvoirs réglementaires encadrant les permis d’alcool.
C’est d’ailleurs Québec qui, rappelons-le, a déterminé que la SAQ aura le monopole de la future vente légale de cannabis. Pourquoi? Parce qu’il a tenu compte, à juste titre, des dangers de la vente privée de cette substance.
Prise de responsabilités, donc. Parce que l’heure n’est pas à une indécente partie de ping-pong fédérale-provinciale. Il s’agit plutôt d’éviter une nouvelle catastrophe humaine.