2009. En ligne avec ma fille pour assister à un match du défunt Junior de Montréal. Derrière nous, Rudy Caya, leader des Vilain Pingouin, accompagné de son fils Jamie. Me souviens plus qui amorce la discussion, mais en l’espace de huit secondes, la glace est brisée. Six minutes plus tard, on a déjà convenu d’aller souper prochainement. Parce que telle est la nature de Caya: sympathique, avenant, humaniste et humain.
Au cours de cette super soirée, laquelle scellerait une amitié indéfectible [fin de la divulgation du conflit d’intérêts], Rudy raconte maintes anecdotes entourant le show-business québécois, notamment les difficultés financières de nombre de ses artistes, incluant ceux ayant connu des succès majeurs. Dont lui. Deux disques de ses Vilain Pingouin sont certifiés or. S’ajoutent à ceux-ci deux Felix, ainsi que d’innombrables récompenses de la SOCAN, validant le succès commercial du groupe, particulièrement celui de son auteur et compositeur, soit Caya.
Relativement riche, ou au moins à l’aise, penserait-on. Ben non. Pas du tout, même. Parce que tel est érigé le système. Après la bombe que fut le premier album du groupe, une tournée éreintante s’ensuivit, notamment en France. Les recettes enregistrées par les Pingouins pour l’année? Un dodu 1,4 M$. Du gros fric, surtout en dollars des années 1990. Combien, selon vous, les membres du groupe ont pu inscrire dans leur rapport d’impôts? Environ 40 000$ chacun. Ouais.
Cela a d’ailleurs mené à l’anecdote, savoureuse, suivante: lors de l’enregistrement du clip Délinquance, issu du deuxième album, un technicien hurle aux autres: «Je reviens, je dois aller chercher un tube de colle.» Caya lui réplique, du tac au tac : «Combien, ton tube? 20$? Es-tu capable de me jurer que tu vas me faire vendre au moins huit albums de plus si tu colles la brique manquante? Non?!? Ben reste icitte!» Un gars apprend la leçon…
Reste qu’après une dizaine d’années à jouer la game commerciale, les Pingouins, épuisés, se retirent dans leurs terres avant de réapparaître avec du nouveau «stock», encore meilleur que les trucs initiaux. Seriez fous, je dis ça de même, de bouder votre prochain plaisir.
Surtout que, pour ceux qui l’ignorent, Caya est rendu à son troisième ACV, le dernier l’ayant laissé un brin moins vigoureux qu’avant. Mais qu’importe. Après un bon huit mois de réhabilitation, le chanteur a foulé les planches pour la première fois depuis son dernier accident cardio-vasculaire. Une foule en délire, au sens fort du terme. Parce qu’on l’aime. Pour son talent. Pour ce qu’il représente. Un guerrier. Qui s’est donné comme défi de refaire des shows, des albums. Par vocation… et pour survivre. Comme les Miron, les Langevin et cie, lesquels ont vécu sous le seuil de la pauvreté la majeure partie de leur vie, malgré l’ampleur de leurs œuvres respectives.
Il en coûterait quoi, au fait, à Québec et/ou Ottawa de créer des bourses de mérite pour nos créateurs? Un genre de petite pension annuelle à vie pour services rendus au patrimoine culturel? Une centaine de bourses à 25 000$ chacune, par exemple? Du petit change collectif, mais une sacrée belle manière de remercier, et d’entretenir, les cœurs et les poumons d’une nation…