OTTAWA — Le climat d’incertitude causée par les politiques protectionnistes de l’administration Trump n’aura pas empêché la Banque du Canada d’augmenter son taux directeur à 1,50 pour cent mercredi. Une hausse de 0,25 point de pourcentage pour la première fois en six mois.
La robustesse de l’économie canadienne devrait atténuer l’impact négatif des tarifs imposés par les États-Unis le 1er juin sur les importations d’acier et d’aluminium du Canada, selon les prévisions de la banque centrale.
«C’est préférable d’avoir une économie robuste quand il y a des chocs comme les tarifs parce que les effets sur la confiance ne sont pas vraiment prévisibles», a expliqué le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz.
«Si la confiance est déjà faible, on s’attendra à des effets plus larges, probablement un effet multiplicateur dans ce contexte. Donc, c’est un avantage aujourd’hui d’avoir une économie qui est robuste.»
Reste que ces mesures couplées à l’incertitude entourant la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) pourraient retrancher près de 0,7 pour cent du produit intérieur brut (PIB) d’ici la fin de 2020, ce qui représente environ 13 milliards $.
Dans son «Rapport sur la politique monétaire», la banque note une «forte incertitude quant à l’ampleur de ces effets et au moment de leur apparition», et précise qu’elle continuera, par conséquent, à «surveiller attentivement» les répercussions des droits de douane américains et de ceux imposés par le Canada le 1er juillet sur des produits américains, en représailles.
Une autre grande inconnue continue de planer sur ses prévisions, soit la menace de l’administration Trump d’imposer des tarifs sur l’industrie automobile canadienne.
«C’est très symbolique, a souligné M. Poloz en faisant remarquer que les chaînes de productions canadiennes et américaines étaient intégrées depuis plus de cinquante ans.
«Si vous êtes prêt à perturber tout ça, je crois que les gens se sentiraient beaucoup plus vulnérables. Ils se demanderaient ce qui viendrait ensuite et ça aurait un effet beaucoup plus grand sur la confiance.»
Ce serait un changement structurel majeur apporté à l’économie contre lequel la Banque du Canada aurait bien peu d’outils. «Il faudrait d’autres politiques pour régler ce problème parce que la politique monétaire ne convient pas pour ça», a signalé la première sous-gouverneure de la banque centrale, Carolyn Wilkins.
Si le Canada, les États-Unis et le Mexique réussissent à renégocier l’ALÉNA, les droits de douane américains sur l’aluminium, l’acier et l’intention d’en appliquer aux automobiles disparaîtraient et dissiperaient l’incertitude qui existe actuellement.
Malgré cette incertitude, la forte demande pour les biens et services canadiens sur les marchés internationaux continue de soutenir l’économie.
La Banque du Canada s’attend à ce que le PIB augmente en moyenne de deux pour cent de 2018 à 2020. À plus court terme, une hausse de 2,8 pour cent du PIB est attendue pour le deuxième trimestre de 2018.
L’inflation devrait s’établir entre 2,2 et 2,5 pour cent au cours des prochains mois, puis redescendre vers sa cible de 2,0 pour cent en 2019, calcule la banque.
L’effet modérateur des hausses précédentes du taux directeur et du resserrement des règles hypothécaires commence à se faire sentir. Les ménages s’endettent moins et dépensent moins, observe la banque. En revanche, les entreprises ont investi davantage au cours du dernier trimestre dans leurs activités de recherche et développement, l’achat de matériel informatique et de logiciels, signes d’une économie qui se porte bien.