MONTRÉAL — Le premier ministre Philippe Couillard avait peu à offrir au-delà de son empathie aux familles qui s’occupent elles-mêmes d’un enfant handicapé.
«Je ne peux pas même imaginer ce qu’est la réalité des parents qui ont à vivre avec un enfant lourdement handicapé (…) Je comprends toute l’angoisse que ça représente», a d’abord déclaré M. Couillard lorsqu’appelé à réagir, mercredi, à l’analyse économique de la firme Raymond Chabot Grant Thornton, qui fait état d’un écart moyen de plus de 70 pour cent entre le soutien financier dont bénéficient les familles d’accueil et celui offert aux familles naturelles.
L’étude, réalisée pour le compte de deux organismes de soutien aux familles qui s’occupent de leur propre enfant handicapé, démontre en effet que les familles naturelles reçoivent en moyenne 25 632 $ par année pour s’occuper d’un enfant handicapé, comparativement à une moyenne de 44 254$ pour une famille d’accueil.
Le premier ministre a cependant cherché à défendre son gouvernement, faisant l’éloge du programme de Supplément pour enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels (SEHNSE) mis sur pied en 2016.
«Au Canada, il n’y a pas d’autre province qui a un programme comme ça», a-t-il clamé, ajoutant qu’on était à se pencher sur l’élargissement des critères d’admissibilité.
Cependant, ce programme ne vise que les familles dont l’enfant est lourdement handicapé — ce qui ne changera pas — et, sur les quelque 36 000 enfants handicapés recensés au Québec, à peine un peu plus de 2000 demandes ont été jugées admissibles jusqu’ici sur un peu plus de 4000 reçues.
Philippe Couillard a reconnu qu’il pourrait y avoir de l’amélioration, mais «à la hauteur des moyens» disponibles.
Le premier ministre a par ailleurs tenté de contester les conclusions de l’analyse, affirmant que la comparaison entre les sommes versées aux familles d’accueil et aux familles naturelles était trompeuse.
«Lorsqu’on est une famille d’accueil, on accueille plus d’un enfant (…) Je pense qu’il n’est pas très juste de faire la comparaison entre des familles d’accueil et des familles naturelles», a-t-il plaidé.
Toutefois, après une deuxième vérification faite par La Presse canadienne auprès des auteurs de l’étude, il appert que la comparaison des compensations financières gouvernementales qu’ils ont faite est bel et bien basée sur le montant par enfant, et ce, sur la base des données du ministère de la Santé et des Services sociaux lui-même.
Promesses de l’opposition
Le dévoilement de l’étude a évidemment fait réagir les partis d’opposition.
Le porte-parole péquiste en matière de services sociaux, Dave Turcotte, a qualifié la situation de «désolante».
«On se doutait qu’il y avait un déséquilibre, mais pas à ce point. Il faut aider davantage les parents qui ont la capacité et qui font le choix de garder leur enfant parce que sinon, en bout de ligne, ça va coûter plus cher à l’État et de toute façon, garder l’enfant avec ses parents, c’est la décision la plus humaine.»
Sa formation se dit prête à élargir les critères du SEHNSE et surtout à réduire les délais d’attente pour l’obtenir, qui sont présentement d’un an environ, selon lui.
Le Parti québécois promet également de bonifier le chèque emploi-service et de normaliser les montants qui diffèrent de façon aléatoire d’une région à l’autre. Ce chèque remis aux parents permet de payer une aide à domicile, qu’il s’agisse de préposés aux bénéficiaires ou d’infirmières, selon les besoins.
Le PQ promet enfin d’investir dans les haltes-garderies pour enfants handicapés afin d’offrir un répit aux parents et d’instaurer un versement pour un répit hebdomadaire de huit heures qui s’adresse à tous les proches aidants, dont les parents d’enfants handicapés.
À la Coalition avenir Québec (CAQ), le porte-parole en matière de Santé, François Paradis, a pris le relais d’un combat qu’il mène depuis longtemps.
«Les parents d’enfants handicapés qui demeurent à la maison méritent un meilleur statut», a-t-il réitéré.
La CAQ a réclamé à maintes reprises une bonification de l’aide financière pour les parents d’enfants handicapés mineurs, mais aussi que cette aide s’étende au-delà de la majorité, alors que plusieurs programmes de soutien prennent fin lorsque l’enfant atteint la majorité.
La CAQ a déjà fait valoir que cette situation n’a guère de sens puisque nombre de ces jeunes handicapés demeurent sous la garde parentale, n’étant aucunement autonomes.
Le député de Lévis se dit également en faveur de «plus d’équité pour les familles naturelles par rapport aux familles d’accueil, qui reçoivent plus de soutien de l’État».