MONTRÉAL — L’ancien député libéral québécois John Ciaccia, dont les 25 ans de politique provinciale ont été marqués par son rôle au ministère des Affaires autochtones lors de la crise d’Oka en 1990, est décédé mardi à l’âge de 85 ans.
M. Ciaccia s’est éteint à Beaconsfield, dans l’ouest de l’île de Montréal, où il vivait depuis plusieurs années.
John Ciaccia a été un ministre influent au sein des gouvernements des premiers ministres libéraux Robert Bourassa et Daniel Johnson. Il a détenu divers portefeuilles au fil des ans, et il a fait activement campagne dans le camp du «Non» lors des référendums de 1980 et de 1995 sur l’indépendance du Québec. En 1975, il avait été très actif dans les négociations avec les Autochtones pour la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
Né à Jelsi, en Italie, en 1933, Giambattista Nicola Ciaccia n’avait que quatre ans lorsque sa famille est venue s’installer au Canada, en passant par Ellis Island, à New York. Après avoir terminé des études à l’Université McGill, il a été admis au Barreau du Québec en 1957, et il a pratiqué le droit pendant une douzaine d’années.
En 1971, il devient sous-ministre de Jean Chrétien alors que le futur premier ministre canadien dirige le ministère des Affaires indiennes et du Nord. Son expertise aux Affaires indiennes l’amène à épauler le premier ministre Bourassa lors des négociations pour la Convention de la Baie-James, signée avec les Cris et les Inuits du Nord-du-Québec en plein développement hydroélectrique.
John Ciaccia est élu député libéral de Mont-Royal pour la première fois en 1973, et il sera réélu cinq fois par la suite dans ce bastion anglophone fédéraliste; il ne s’est pas représenté aux élections de 1998. Au fil des ans, il a été un membre important du cabinet de Robert Bourassa, ayant notamment détenu les portefeuilles de l’Énergie et des Ressources de même que des Affaires internationales.
Peu de temps après sa première élection à l’Assemblée nationale, il avait été suspendu du caucus libéral pendant près de deux mois, en 1974, lorsque le gouvernement Bourassa a adopté le «bill 22» consacrant le français comme langue officielle du Québec. M. Ciaccia et son collègue libéral George Springate s’étaient joints à l’opposition en votant contre le projet de loi, adopté à 92 voix contre 10.
La crise d’Oka
Seize ans plus tard, il s’est retrouvé au coeur d’une autre tourmente lorsque le 11 juillet 1990, une fusillade impliquant des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) et des Mohawks à Oka s’est soldée par la mort de l’agent Marcel Lemay. Les Mohawks de Kanesatake voulaient empêcher que l’agrandissement d’un golf ne vienne gruger une pinède qu’ils considéraient comme sacrée.
M. Ciaccia était en désaccord avec son propre gouvernement et avec la SQ dans ce dossier, alors qu’il tentait de négocier un accord et d’empêcher de nouvelles effusions de sang. On s’est notamment moqué du fait qu’il avait accepté de signer une entente, devant les caméras, avec un Mohawk masqué. Après un été tendu qui a vu arriver l’armée canadienne à Oka, le conflit a été désamorcé en septembre, mais le ministre a perdu son portefeuille le mois suivant.
Une décennie après la crise d’Oka, M. Ciaccia a publié ses propres mémoires sur les événements. «La crise d’Oka a probablement été le moment le plus difficile que j’ai connu — mais le référendum de 1995 n’est pas loin derrière dans cette liste», estimait-il en 1998, après avoir annoncé sa retraite. Il était alors le député qui avait siégé le plus longtemps à l’Assemblée nationale du Québec.
M. Ciaccia avait été l’un des premiers députés issus de l’immigration à siéger à l’Assemblée nationale. Il a expliqué dans ses mémoires qu’il avait adopté le prénom de John en réponse à l’hostilité vécue lorsque le Canada a déclaré la guerre à l’Italie au début du deuxième conflit mondial. En 2015, il a publié un livre décrivant ce qui l’avait attiré en politique: «Appelez-moi Giambattista».
Le premier ministre Philippe Couillard, qui a lui aussi été député de Mont-Royal, de 2003 à 2007, a affirmé sur Twitter que l’ancien ministre de Robert Bourassa «aura grandement contribué à faire avancer le Québec».
Rita De Santis, une autre députée libérale d’origine italienne, a décrit M. Ciaccia comme un bâtisseur du Québec moderne, qui était tout aussi fier d’être Québécois qu’Italo-Canadien. «Vous allez nous manquer, John», a écrit Mme De Santis dans un message sur Facebook. «Merci d’avoir partagé vos rêves et vos aspirations avec nous.»