On en a tous au moins un dans nos vies. Généralement plus. Ils sont là, dans nos familles, à la job, parmi nos voisins. Pas nécessairement du méchant monde – enfin, pas tout le temps –, mais ils sont du genre à s’imposer et, surtout, à ne pas s’en laisser imposer. Vous voyez le genre? Ils sont faciles à détecter. De nos jours, avec cette manie d’employer des beaux mots, on les appelle les intimidateurs. Moi, je préfère le terme «bulldozers».
Les intimidateurs viennent en plusieurs formats. De «petit» à «extra-large». Quand ils y mettent toute la gomme, ça peut même aller jusqu’à 5 XL. Ils ne font pas que bousculer les autres dans les corridors d’école. Si c’était le cas, ça serait trop simple de les identifier et de les mettre en échec. En fait, comme chez les animaux, les intimidateurs font partie du clan des dominants. Sauf que, contrairement aux animaux, ils existent parce qu’on leur concède platement
le territoire.
Déjà, tous jeunes, à la maison, ils piquent des crises et ont un caractère plus fort que le reste du groupe. Ils font même plier les adultes, pour qui c’est toujours moins de trouble de répondre oui plutôt que non. C’est ainsi qu’ils commencent leur carrière de négociateurs. La suite des choses est à l’avenant.
On dit qu’ils sont obstinés, têtus ou qu’ils font simplement étalage de leur tempérament. À l’école, c’est pareil. Ils n’hésitent pas à jouer du coude pour prendre les devants. Quitte à emprunter des raccourcis. On les laisse faire parce qu’on craint leurs sauts d’humeur.
Rendus sur le marché du travail, nos amis au caractère bouillant ont encore et toujours la priorité. Ils sont les premiers à choisir ce qu’ils veulent ou ne veulent pas faire. Encore là, le groupe laisse passer le bulldozer, de peur de se faire passer dessus. Ils ne sont pas nécessairement les préférés du boss, mais peu importe, lui aussi les laisse faire parce que c’est plus simple de les laisser aller que de les contenir. Et sûrement moins compliqué de les avoir de son bord.
Dans le voisinage, en pleine canicule, ils vont arroser leur entrée de garage et personne ne leur rappellera qu’il y a une interdiction de le faire qui a été décrétée par la municipalité. Dans le code de vie des bulldozers, il y a deux règlements : le leur et celui des autres. Et on les laisse faire. Parce que…
Arrêtez-vous un instant et mettez des visages de votre entourage sur le type de caractère que l’on vient de définir. C’est fou comme ça vous vient vite, n’est-ce pas?
Ce mois-ci, on parle beaucoup d’intimidation. J’en ai été victime, vous en avez été victime, la plupart du monde en souffre ou en a déjà souffert. Une fois de temps en temps, on devrait peut-être regarder autour de soi pour constater à quel point les intimidateurs n’existent que pour et que par l’espace qu’on leur accorde et combien les bulldozers sont, au bout du compte, nettement minoritaires. Sauf que personne ne le leur a jamais dit. C’est drôle comment tout devient moins lourd quand on relativise tout ça…
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Une couple de disques pour vous aider à aborder l’automne : Le fou de Zachary Richard (une belle rencontre des deux Zachary, l’Américain et le francophile), Heart of the Storm de Colin Moore (tout simplement renversant, dans la lignée du grand Steve Earle de jadis) et Come Home to Mama de Martha Wainwright (juste parce que…). Bonne semaine et bonne écoute!
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