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Le cancer de l’oubli

Je suis obsédé par le temps. Par le temps qui passe, par le temps qui fuit, par le temps qui n’attend pas. Chez moi, je vis entouré d’horloges, de cadrans et autres minuteries qui brillent quand j’éteins les lampes. Autant j’ai toujours entretenu une réelle fascination pour le temps d’hier, autant je m’inquiète du temps qui vient. Du temps qui reste. Du temps qui peut parfois s’étirer trop longtemps.

La semaine dernière, on a découvert les cadavres de deux personnes âgées dans leur résidence de ville d’Anjou. La dame avait 86 ans, et le monsieur, un an de plus. Un couple sans enfants. Probablement sans amis, ni frères ni sœurs, parce que rendus trop vieux. Un couple sans histoire, comme le disent les voisins quand ils passent dans les bulletins de nouvelles au lendemain du drame. Leur décès pourrait remonter à la fin juillet. Une voisine, inquiète par tant de silence, est allée regarder par la fenêtre pour voir ce qui se passait. Ou plutôt ce qui ne se passait plus. De l’autre côté de la vitre, des mouches volaient. L’horreur. Comme dans les films, mais en pire.

Notre système vient d’en échapper deux autres. Deux oublis à inscrire dans la colonne des échecs. Quelque part, dans la machine, quelqu’un a failli. Plate à dire, mais ça arrive. Et ça va encore arriver. Espérer le contraire serait d’une dangereuse naïveté. Qu’on se le dise: les services sociaux ne pourront jamais voir à tout. Jamais. La solution magique n’existe pas. Pas de ce côté-là, du moins.

Bien entendu, il faudra demander des comptes à nos fonctionnaires pour avoir un semblant d’idée de ce qui s’est passé dans le cadre de ce triste épisode. Ce qui ne devrait pas nous empêcher collectivement de revoir notre manière de vivre en société, question de mieux voir à la sécurité de nos vieux sans attendre l’intervention systématique des aidants professionnels. Va donc falloir y voir nous-mêmes. Quitte à déranger, quitte à fouiner, quitte à en mettre parfois un peu plus que nécessaire au département de l’insistance. Rien de ça n’a jamais tué personne. Le contraire, oui.

Parce que nous vivons plus longtemps, parce que les grosses familles n’existent plus, parce que les célibataires sans enfants sont et seront de plus en plus nombreux, les facteurs d’isolement se multiplient dans notre monde hautement individualiste. Dans ce drôle d’univers où l’on ne connaît même pas le nom de famille de nos voisins immédiats, la fragilité des aînés est désormais un enjeu majeur pour nous tous.

À Anjou, deux personnes âgées sont récemment décédées des suites du cancer de l’oubli. Une forme de cancer de moins en moins rare et totalement cruelle.

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Max Pacioretty est finalement parti. À sa demande ou contre son gré. Qui dit vrai dans toute cette histoire-là? On le saura bien un bon jour, tout finit toujours par se savoir. Quand même étrange qu’une fois de plus, un joueur de niveau A en soit venu à vouloir sortir de Montréal, la supposée Mecque du hockey…

Cela étant dit, les boys du bureau d’en haut ont maintenant intérêt à faire fonctionner les kids du vestiaire d’en bas au plus sacrant parce que là, question d’attitude, on va commencer à manquer de boucs émissaires…

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Lise Payette était une femme de parole et de paroles. Même si elle ne faisait pas toujours l’unanimité – elle n’y tenait pas vraiment non plus… –, nous lui devons beaucoup. Les combats menés par cette femme auront marqué notre société. Ne l’oublions jamais.

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Indélicat: le procès d’intention qui a été fait à Manon Massé, qui est demeurée assise pendant un moment de recueillement à la mémoire de Lise Payette. Gravement blessée à une jambe cet hiver, serait-il possible qu’elle ait été souffrante à ce moment précis, au point de l’empêcher de se lever? Qui sont donc ces gens qui jugent de l’intensité du mal des autres? Cheap.

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Gilles Pelletier a tenu plusieurs grands rôles au cours de sa très longue carrière. Mais, selon moi, son plus beau rôle demeurera celui de cofondateur – en compagnie de Françoise Graton et de Georges Groulx – de la Nouvelle Compagnie Théâtrale, une troupe destinée au jeune public. C’est ainsi que des générations de spectateurs ont eu la piqûre du jeu sur scène. Pour ceci, et bien sûr pour tout le reste, on le remercie.

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