BIDDEFORD, Maine — Les Canadiens ont une réputation plutôt amicale, mais des brutes déplaisantes qui arrivent des eaux canadiennes seraient plus à leur place dans une arène de boxe.
Les crabes verts (aussi connus sous le nom de crabes européens et crabes enragés) de la Nouvelle-Écosse sont de la même espèce que ceux qui habitent les eaux du Maine, mais ils sont plus méchants et colériques, et ils menacent d’accélérer les dommages à l’écosystème côtier en engloutissant les myes et en détruisant la zostère marine indigène.
Les crabes verts dociles se replient face à une menace, tandis que les nouveaux arrivants sont plus enclins à agiter leurs pinces et à attaquer.
«Nous constatons un niveau d’agressivité insensé», a déclaré Markus Frederich, un professeur à l’Université de la Nouvelle-Angleterre.
S’il s’agit de la même espèce, chacune est aussi génétiquement différente.
La nouvelle variante de ce crabe originaire du nord de l’Europe est plus résistante et adaptée aux eaux plus froides que le crabe plus docile, qui lui est originaire du sud de l’Europe.
Les crabes verts, même les plus gentils, sont considérés comme un fléau qui peut dévorer les myes. Ils peuvent ravager les zostères où se cachent des créatures marines juvéniles.
Mais les crabes canadiens sont d’un tout autre ordre.
Louis Logan, un étudiant diplômé de l’Université de la Nouvelle-Angleterre, a eu la tâche désagréable d’étiqueter les crabes capturés dans les eaux de la Nouvelle-Écosse pour la recherche.
Les crabes n’étaient pas d’humeur pour ses petits jeux.
À une distance de 1,5 mètre, les petites brutes, qui font 10 ou 12 centimètres de diamètre, se plaçaient en position de combat. Et les crabes qui parvenaient à l’agripper n’avaient aucune envie de le laisser aller.
«Chaque fois que j’essayais d’en attraper un, ce sont eux qui essayaient de m’attraper», a-t-il écrit dans un courriel.
L’un d’entre eux, en particulier, était tellement déterminé à attaquer qu’il sautait hors de l’eau.
En laboratoire, les chercheurs ont déchaîné les deux types de crabes sur un lit de zostères dans une piscine d’eau salée, et la différence était frappante. Les envahisseurs canadiens ont déchiqueté l’herbe comme l’aurait fait «Edward aux mains d’argent» tant ils voulaient dévorer les organismes marins qui s’y cachaient, a dit M. Frederich.
La première série d’études a porté sur 200 crabes du Canada et sera publiée au cours des prochains mois.
D’autres études tenteront de déterminer si un gène spécifique joue un rôle dans l’agressivité ou si un facteur appelé vigueur hybride est en jeu, a-t-il expliqué. La théorie de la vigueur hybride suggère que les crabes pourraient être plus agressifs au fur et à mesure qu’ils s’installent dans un nouveau territoire, mais qu’ils se calmeront éventuellement.
Ces nouveaux venus querelleurs ne représentent actuellement qu’environ 2 à 3 pour cent des crabes verts rampant sur le fond de l’océan au large du Maine, mais ces chiffres vont certainement augmenter, a prévenu M. Frederich.
«Ce sera une situation entièrement différente, a-t-il prédit. C’est juste une question de savoir quand plus de crabes viendront concurrencer les crabes verts du Maine.»
Les crabes verts dociles habitent depuis plus d’un siècle les eaux de la Nouvelle-Angleterre, mais ils se sont transformés en problème majeur avec le réchauffement du golfe du Maine. Les crabes plus colériques sont arrivés au large de la Nouvelle-Écosse dans les années 1980 et les courants ont transporté leurs larves vers le sud, dans les eaux de la Nouvelle-Angleterre.
Éventuellement, les nouveaux arrivants iront encore plus loin vers le sud. «Nous ne pouvons rien y faire, a admis M. Frederich. La seule chose que nous pouvons faire, c’est apprendre à vivre avec.»