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La majorité n’a pas toujours raison

Graham Hughes / La Presse Canadienne

Au diable le fait que la planète soit en train de s’autocarboniser, la priorité québécoise est dorénavant bien définie : la chasse aux signes religieux (sauf le crucifix, bien entendu). Tactique caquiste afin d’attirer l’attention ailleurs?

Une large proportion de Québécois appuient la mesure proposée. Conséquence d’une décennie de matraquage populo-médiatique construit sur la crainte de l’Autre, apothéose alléguée de la menace à l’identité québécoise.

Sans surprise, la marotte «de la majorité» est ainsi plaquée au fond de la gueule des (trop) rares dissidents actuels : «Hé ho, presque tout le monde est d’accord avec la laïcité, alors ta gueule.»

Comme si le fait de demeurer en marge se voulait une forme de trahison envers le «peuple». Comme si la seule loi du nombre revêtait en soi une sagesse ou une pertinence quelconque. Comme si la volonté populaire constituait systématiquement la résultante d’une réflexion sociétale juste et porteuse.

Ma gueule, donc. Parce qu’en plus de ce qui précède, il existerait apparemment un «consensus» au Québec autour du rapport de Bouchard-Taylor. Ben oui. Le PQ l’a qualifié d’Elvis Gratton, le PLQ l’a honni et la CAQ le trouve insuffisant. Beau consensus. Taylor a d’ailleurs renié son propre rapport, présentant même ses excuses pour avoir donné la fausse impression d’un problème. Mets ça dans ta pipe, le consensus…

Si on écoutait une majorité de Canadiens, la peine de mort serait de retour depuis longtemps. Et 
que la légalisation de l’avortement, n’eut été de décisions de la Cour suprême, aurait également attendu une mèche.

Les plus avisés auront remarqué que j’ai omis de mentionner ici QS. Volontairement. Parce que pour l’instant, il s’agit du seul parti appuyant BT. Pour «nous permettre d’aller de l’avant», de clamer Manon Massé. Bonne idée. Brimons les libertés fondamentales d’individus appartenant à des groupes minoritaires pour nous permettre d’avancer. On ira loin, pas de doute. Pour un parti qui se pose en défenseur de principes sans égard aux sondages, on aura vu mieux, mettons. Le plus problématique de l’affaire? On aurait VRAIMENT besoin de la voix de QS en ces temps ardus. Parce que des alliés, croyez-moi, y en pleut pas. Mais difficile de planter ce qui, à l’exception du volet enseignant, se trouve dans son propre programme…

Principes contre majorité, ici donc. Les deux peuvent parfois aller de pair, bien entendu. Mais croire à l’aspect symbiotique de leur relation? Non merci. Parce que si on écoutait une majorité de Canadiens, la peine de mort serait de retour depuis longtemps. Parce que la légalisation de l’avortement, n’eut été de décisions de la Cour suprême, aurait également attendu une mèche. Idem pour les mariages entre conjoints de même sexe. S’en remettre conséquemment à l’humeur collective afin de déterminer les droits d’autrui? Pense pas. Notamment parce que quiconque appuie la violation des libertés civiles en connaît le début, mais rarement la fin.

En conclusion, un mot de Montesquieu : «Une injustice commise à un seul est une injustice commise à tous.» Et de Camus : «La démocratie n’est pas la loi de la majorité, mais bien de la protection des minorités.» Et de Twain : «Chaque fois que vous vous retrouvez du côté de la majorité, il est temps de faire une pause et de réfléchir.» Et de (feu) mon grand-père : «Si tout le monde va se crisser en bas du pont, vas-tu y aller toi aussi?»

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