Ils sont 1,7 millions de Québécois à prendre soin quotidiennement de leurs proches. Vivant dans la précarité et de façon isolée, ces proches aidants sont très vulnérables en raison d’un manque de soutien. Le gouvernement caquiste planche sur des solutions pour les aider.
Alors que la Semaine nationale des proches aidants débute ce jeudi, les proches aidants et les organismes qui les aident se mobiliseront pour faire connaître leurs difficultés.
Pour la coordonnatrice générale du Regroupement des aidants naturels du Québec (RANQ), Mélanie Perroux, il est urgent que les choses changent pour les proches aidants, qui seront de plus en plus nombreux, alors que la population québécoise subi une chute démographique. Le RANQ souhaite que des mesures d’aide soient intégrées à une politique nationale de la proche aidance.
«Il y a une augmentation du fardeau pour les proches aidants. Ils montrent des signes d’épuisement et d’appauvrissement de plus en plus fort et ça ne va pas se réduisant», a-t-elle affirmé.
Certains aidants doivent abandonner leur emploi, travailler à temps partiel ou encore, partir à la retraite parfois à 50 ans, avec le risque de subir une diminution nette de leur allocation retraite.
«Être proche aidant réduit l’espérance de vie de 4 à 7 ans», a renchéri Mme Perroux.
Même son de cloche du côté des organismes sur le terrain qui offrent des services directs aux proches aidants.
«Il y a beaucoup de maladies. J’entends souvent parler de burn-out, de dépression, d’anxiété et de crises d’angoisse. Ça vient souvent les toucher. Plusieurs tombent malades. Leur système immunitaire est plus faible en raison du stress», rapporte Stéphanie Ouellette, une intervenante psychosociale du Groupe des aidants du Sud-Ouest.
Mme Ouellet accompagne et offre du soutien aux proches aidants, mais elle a aussi relevé que les services publics destinés aux aidés dans les CLSC sont très difficilement accessibles. Ils doivent par exemple subir des évaluations physiques et psychologiques qui demandent parfois un an d’attente, ce qui laisse les proches aidants souvent seuls et mal outillés pour offrir des soins, sans connaître les besoins médicaux de la personne dans le besoin.
Pour Stéphanie Ouellet, il est évident que les coupes effectuées dans le système de santé sont responsables de ce temps d’attente, qui «laisse les proches aidants livrés à eux même».
«Plus les coupes ont été faites, plus les proches aidants ont manifesté leur colère de voir qu’il faut parfois attendre un an avant d’avoir une évaluation. La mission des CLSC, c’était la prévention. Maintenant, on agit davantage sur les cas les plus graves. C’est difficile pour eux, qui font de la prévention, qui veulent une évaluation et qui ne peuvent parfois pas en avoir parce que ce n’est pas assez grave», a-t-elle ajouté.
«Le défi est de reconnaître le travail des proches aidants et de leur faire connaître les services qu’on peut leur offrir», a avancé le directeur général d’APPUI, Guillaume Joseph. L’organisme que ce dernier dirige s’adresse aux proches aidants d’aînés pour alléger leur tâche, grâce notamment à des maisons de répit qui leur permettent de reprendre leur souffle.
Mais tous n’ont pas toujours conscience d’être des proches aidants et ne font pas toujours appel à ces services, au risque de se retrouver débordés par cette tâche, ont confiés toues les organismes interrogés par Métro.
Une ministre dédiée aux proches aidants
Elle l’a affirmé en campagne, la nouvelle ministre responsable des aînés et des proches aidants, Marguerite Blais, a fait son retour en politique pour s’attaquer à ces problèmes. Ministre libérale des aînés de 2007 à 2012, Mme Blais a été proche aidante pour son mari lorsqu’il a été atteint d’un cancer. Elle a pris sa retraite politique en 2015, après son décès. En entrevue avec Métro, elle a réitéré son engagement de créer une politique nationale des proches aidants, la revendication principale des organismes.
«Je compte bien le faire avant les Fêtes. Je suis en train d’organiser ça. Pour les 1,7 million de proches aidants, c’est très important de jeter les bases d’une politique nationale», a-t-elle déclaré.
Si quelques éléments de cette politique nationale ont été dévoilés en campagne, le gros des mesures sera décidé pendant des consultations et des rencontres avec les différents acteurs du milieu.
Un observatoire de la proche aidance sera entre autres créé pour améliorer la recherche sur ce sujet et trouver des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. Enfin, le crédit d’impôt destiné aux aidants sera doublé pour atteindre 2500$ par année, a annoncé la ministre.
«On a pas envie de signer un chèque en blanc, prévient Mélanie Perroux du RANQ. La politique nationale, on est content que [le gouvernement] ait perçu le besoin d’avoir une vision globale, mais on ne sait pas encore ce qu’ils veulent. On a l’espoir de faire partie prenante de l’écriture de tout ça pour assurer une cohérence sur l’ensemble des besoins».
Mme Perroux a qualifié les mesures d’allègement fiscal «d’électoralistes», de mesures «qui auront un impact relativement minime».
Les données disponibles ne lui donnent pas tort. Cette année, le protecteur du citoyen révélait que seulement 6% des 700 000 proches aidants qui s’occupent de leurs parents recevaient l’aide financière promise, sous forme de crédit d’impôt. Ce crédit s’adresse d’ailleurs exclusivement aux proches aidants qui accompagnent une personne âgée de 70 ans et plus, et qui vivent avec elle. En 2012, 87% des proches aidants d’aînés n’habitaient pas avec eux.
Mme Blais s’est d’ailleurs dit à l’écoute de ces revendications, mais le montant total des aides financières dépendra de ce que le Conseil du trésor compte accorder à cette politique. En campagne électorale, les promesses de la Coalition avenir Québec en matière de proche aidance ont été chiffrées à 93M$.
«Les crédits fiscaux, s’ils ne sont pas équitables, il faudra les rendre équitables et examiner la situation pour faire en sorte que l’ensemble des porches aidants puisse en bénéficier», s’est engagée la ministre.