MONTRÉAL — Trois défaillances de sécurité successives ont mené à la chute mortelle d’un monteur de ligne du haut d’un pylône électrique conclut la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) dans un rapport publié mercredi.
Selon l’inspecteur de la CNESST, ce sont les dispositifs de sécurité déficients et un manque de formation adéquate qui ont mené à la mort de Daniel Carré, vers 7h45, le matin du mercredi 14 mars 2018 à Terrebonne.
L’homme de 51 ans travaillait au chantier de construction de la ligne Chamouchouane – Bout-de-l’Île dans le secteur Lachenaie à Terrebonne. Il était employé par GLR inc., le sous-traitant d’Hydro-Québec spécialisé dans le montage de lignes électriques.
D’après le rapport d’accident dévoilé mercredi, exactement huit mois après le drame, la victime et ses collègues «procédaient à la mise en place et au raccordement de la tête du pylône 455». Ceux-ci devaient «boulonner la tête» du pylône qui était «élevée par une grue».
Des cordes de vie et des ponts de cordes avaient été installés pour permettre aux travailleurs de se déplacer dans la structure à 43 mètres du sol.
À un certain moment, Daniel Carré s’est avancé sur «une membrure d’acier» temporairement fixée au pylône par un boulon et une broche. Sous le poids du monteur, la broche a cédé et la membrure a pivoté, causant une perte d’équilibre et une chute.
«Après ça, il lui faut un dispositif d’arrêt de chute. Il l’avait, mais le fait qu’il était en déplacement latéral il s’est retrouvé à placer la main sur son coulisseau. Seulement par ce geste-là, il a désengagé le mécanisme de blocage», précise l’inspecteur Michel Labbé qui a mené l’enquête de la CNESST.
Selon M. Labbé, le travailleur a simplement eu le même réflexe que tout le monde. «Quand on tombe, on a tendance à vouloir agripper ce qu’on a sous la main. Il a serré la main sur le coulisseau et il a glissé».
Malheureusement, après la membrure qui a cédé et le coulisseau qui ne s’est pas bloqué, le troisième élément qui aurait pu sauver la vie de M. Carré est le noeud de fin de corde ou épissure renversée qui sert à stopper la chute au bout de la corde.
«Il n’y avait pas de dispositif de fin de corde et le coulisseau s’est séparé de la corde, donc le travailleur a poursuivi sa chute jusqu’au sol», rapporte l’expert de la CNESST.
La corde de survie de M. Carré mesurait environ cinq mètres et pendait dans le vide, alors que lui se trouvait à 43 mètres au-dessus du sol. Elle aurait donc pu lui sauver la vie si elle avait été munie d’un simple noeud.
M. Labbé a aussi remis en cause la méthode de travail et la formation de la victime qu’il a qualifiées de «déficientes» en matière de «déplacements latéraux» sécuritaires dans un pylône.
La CNESST a exigé que l’entreprise GLR inc. et Hydro-Québec revoient leurs méthodes de travail et de protection contre les chutes. Ce qui a été fait.
«Le modèle de coulisseau que M. Carré utilisait n’avait pas de dispositif qu’on appelle «antipanique». Tous les coulisseaux, pas seulement ceux de GLR inc., mais de tous les autres sous-traitants des chantiers d’Hydro-Québec ont été changés pour avoir un antipanique», assure Michel Labbé.
D’une puissance de 735 kV, la ligne Chamouchouane – Bout-de-l’Île parcourt la distance de 400 km entre le poste de la Chamouchouane (au Saguenay-Lac-Saint-Jean) et le réseau d’alimentation de la grande région métropolitaine.
Une entreprise ébranlée
Martin Chagnon, président et directeur général de GLR inc., a confié à La Presse canadienne que tous les membres de l’entreprise ont été durement ébranlés par l’accident.
La PME embauche une trentaine de monteurs de lignes qui forment une équipe tissée serrée. «Ce sont des gens qui viennent tous de la région de Charlevoix et qui sont très proches», précise M. Chagnon qui tenait à offrir ses pensées à la famille de M. Carré. Celui-ci a laissé dans le deuil une épouse et deux enfants âgés dans la vingtaine.
Le PDG de GLR inc. affirme avoir réagi rapidement et être allé «au-delà du rapport» en ce qui concerne les nouvelles mesures de sécurité adoptées par son équipe.
L’entreprise a changé toutes ses cordes et tous ses coulisseaux. Le nouveau dispositif de sécurité ne peut désormais plus être désamorcé par le monteur de ligne.
«Le frein est activé par la gravité et la vitesse. C’est un système interne au coulisseau», explique M. Chagnon.
Les nouvelles cordes sont aussi dotées d’une épissure renversée.
De nouveaux contrôles sur l’état des équipements et une mise à jour de la formation ont aussi été mis en place.
Le Bureau du coroner a lui aussi ouvert une enquête sur les circonstances de la mort de Daniel Carré. Par courriel, une porte-parole a indiqué à La Presse canadienne que «l’investigation est toujours en cours». Il faut toutefois «encore prévoir plusieurs semaines au moins avant que le rapport soit diffusé».