QUÉBEC — Avant même que la commissaire à l’éthique complète son enquête sur le ministre Pierre Fitzgibbon, le premier ministre François Legault «trouve complètement exagéré qu’on parle d’un conflit d’intérêts».
M. Fitzgibbon est dans la tourmente depuis qu’on a appris qu’il était jusqu’à récemment administrateur et actionnaire de Héroux-Devtek, qui est un fournisseur de Bombardier, une multinationale que le ministre a fermement appuyée.
Le Parti québécois accuse le ministre de l’Économie d’avoir commis des infractions à différents articles du Code d’éthique et de déontologie de l’Assemblée nationale et a demandé une enquête, que la commissaire à l’éthique a entreprise mardi.
Toutefois, en point de presse mercredi midi avant d’aller présider le conseil des ministres, M. Legault a appuyé son ministre et balayé du revers de la main les accusations, avant d’avoir le résultat de l’enquête.
Il a soutenu que Héroux-Devtek assemble surtout des trains d’atterrissage pour Boeing et des entreprises militaires aux États-Unis. Selon M. Legault, la compagnie fournit des trains d’atterrissage pour un seul appareil de Bombardier, le Learjet, ce qui représente «peut-être un pour cent» du chiffre d’affaires de Héroux-Devtek.
«Parler d’un conflit d’intérêts, je trouve ça complètement disproportionné, je trouve ça assez spécial», a-t-il commenté.
Quand on lui a rappelé que la commissaire à l’éthique avait néanmoins décidé d’ouvrir une enquête, il a évoqué qu’«ils sont obligés» de faire une enquête, ce qui n’est pas exact toutefois, puisque la commissaire a le loisir d’enquêter ou non sur une plainte.
M. Legault dit n’avoir «aucune inquiétude» quant au résultat de l’enquête.
Pierre Fitzgibbon avait assuré mardi qu’il n’était pas en conflit d’intérêts. M. Fitzgibbon possède 8300 actions dans Héroux-Devtek, pour une valeur de plus de 100 000$.
Le député péquiste de René-Lévesque, Martin Ouellet, avait fait valoir que les interventions du ministre ouvrant la porte à un soutien financier du gouvernement pour sauvegarder la gamme d’avions CRJ «ont eu pour effet de favoriser les intérêts financiers de Héroux-Devtek».
Il a demandé au premier ministre de lui retirer tous les dossiers portant sur l’aérospatiale, «considérant ces conflits d’intérêts».
M. Fitzgibbon a affirmé que ses actions étaient dans une fiducie sans droit de regard depuis quelques jours, mais a ajouté qu’il ne le savait pas précisément, parce qu’auparavant, elles étaient dans un compte discrétionnaire, depuis le 3 octobre en fait, donc depuis qu’il a été élu et qu’il a démissionné de son poste d’administrateur chez Héroux-Devtek.
Pas plus tard que la semaine dernière, M. Fitzgibbon avait laissé savoir que le gouvernement Legault était prêt à réinvestir dans Bombardier, et cela même si l’entreprise a été critiquée pour avoir mis à pied pas moins de 2500 travailleurs récemment.
Le ministre a suggéré que ses propos et ses gestes n’étaient pas dictés par un quelconque intérêt personnel ou financier.
M. Fitzgibbon a dit qu’il avait déposé son bilan le 2 octobre au commissaire à l’éthique et que «tout le monde est au courant de mes actions».