Le soutien fédéral aux médias d’information annoncé mercredi par le biais de l’énoncé économique automnal enthousiasme les représentants de cette industrie en crise, et ce, même si plusieurs précisions s’imposent.
Cet appui prendra la forme de deux crédits d’impôt: le premier touchera les abonnements aux médias numériques et le second, la rémunération de la main-d’oeuvre qui prend part à la «production de contenu d’information original». À ces deux mesures s’ajouteront des incitatifs fiscaux pour les dons aux organisations médiatiques à but non lucratif.
Le propriétaire du Groupe Capitales Médias, Martin Cauchon, estime qu’Ottawa reconnaît ainsi «le rôle crucial que jouent les médias d’information et la presse écrite dans l’ensemble de la fibre sociale et de la démocratie canadienne».
Parmi les trois initiatives, le crédit d’impôt sur les coûts de main-d’œuvre constitue à ses yeux «la pièce de résistance». Même si ce crédit d’impôt n’est toujours pas chiffré et que son éventuelle portée au-delà des salles de rédaction reste à préciser, M. Cauchon dit avoir foi en la volonté du gouvernement de donner «un coup de main suffisant pour assurer la pérennité des journaux».
Le président de «La Presse», Pierre-Elliott Levasseur, choisit lui aussi d’accorder sa confiance au gouvernement de Justin Trudeau qui a, selon lui, «démontré beaucoup de courage et de vision».
Le nouveau modèle d’affaires du quotidien, récemment converti en structure à but non lucratif, et sa volonté d’ajouter des achats intégrés à son application gratuite semblent tomber à point avec les formes d’appui choisies par Ottawa. Mais M. Levasseur maintient que la mesure «de loin la plus significative» est le crédit d’impôt sur la masse salariale puisqu’elle profitera à l’ensemble de l’industrie.
Même son de cloche du côté de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN), qui présente ce crédit d’impôt comme «la mesure la plus appropriée pour nous assurer que l’appui financier cible le travail effectué par les journalistes».
Le directeur du «Devoir», Brian Myles, garde pour sa part une certaine réserve, car les critères d’admissibilité au crédit d’impôt sur les coûts de main-d’oeuvre devront être déterminés par un comité indépendant.
«Il y a tellement d’éditeurs, d’associations et de syndicats qui sont allés voir les instances ministérielles dans les derniers mois, on avait assez de critères pour ficeler quelque chose de complet», déplore M. Myles.
Il s’inquiète également du flou qui persiste autour de la possibilité pour les entreprises de presse à but non lucratif et les organisations qui soutiennent le journalisme de fournir des reçus d’impôt à leurs donateurs.
Brian Myles insiste sur le fait que cet incitatif fiscal pour le soutien philanthropique doit s’appliquer au modèle des «Amis du Devoir», sans quoi il s’agirait d’«un programme bonbon» profitant uniquement à «La Presse».
Même s’il accueille de manière «largement favorable» les trois mesures annoncées mercredi, le directeur du «Devoir» aurait souhaité un engagement plus clair de la part du gouvernement quant à ses pratiques de placement publicitaire. Les annonceurs publics comme privés devraient, selon lui, faire passer les médias locaux avant les géants du web tels que Google et Facebook.
Pour M. Myles, la lutte se poursuit afin de faire comprendre que «l’information a un prix».