Plus des trois quarts des victimes d’homicides domestiques au Canada sont des femmes, révèle un rapport publié jeudi, et l’appartenance à certains groupes démographiques augmente encore davantage le risque de mort violente.
Le rapport de l’Initiative canadienne de prévention de l’homicide domestique, un projet pluriannuel qui étudie les homicides domestiques en mettant l’accent sur les groupes vulnérables, a suivi les données de partout au pays et analysé les décès pertinents entre 2010 et 2015.
Selon le rapport, 76% des 476 personnes tuées lors d’un homicide conjugal au cours de cette période étaient des femmes ou des filles.
L’étude portait en particulier sur quatre groupes vulnérables — ceux d’origine autochtone, les immigrants et les réfugiés, les personnes vivant dans des zones isolées ou rurales et les enfants. Ensemble, les personnes appartenant à ces quatre groupes représentaient 53% des victimes d’homicide au cours de cette période, selon le rapport.
La coauteure du rapport, la professeure de politique publique et de justice pénale à l’Université de Guelph Myrna Dawson, estime que ces chiffres devraient servir de sonnette d’alarme à une société qui aurait pu se laisser aller à un faux sentiment de sécurité quant à la sécurité des femmes en général et des populations vulnérables en particulier.
«On parle beaucoup de la nécessité d’améliorer les ressources pour les femmes et les enfants victimes de violence, mais je pense parfois que le grand public a le sentiment que nous avons résolu ce problème, a dit Mme Dawson. Ces chiffres nous rappellent cruellement que, même si nous avons peut-être essayé d’améliorer nos réponses à l’homicide domestique dont les femmes sont clairement les premières victimes, nos efforts ont été vains, notamment pour certains groupes.»
Certaines des faiblesses ressortent des groupes vulnérables mis en évidence dans l’étude, a-t-elle ajouté, prévenant que toute personne souhaitant s’attaquer à la violence sexiste doit examiner les défis uniques auxquels ces populations sont confrontées plutôt que d’essayer de concevoir une solution unique.
Les données sur les victimes d’homicide dans les zones rurales et isolées, par exemple, suggèrent la nécessité de repenser les réponses du gouvernement aux armes à feu.
Les homicides domestiques dans ces communautés ont représenté 22%, soit près du quart, des homicides recensés dans l’étude, a-t-elle déclaré. La recherche a révélé que les femmes étaient ciblées dans 78% des cas, mais contrairement au reste du Canada, où les agressions au couteau étaient la cause la plus fréquente de décès, les assassins dans les communautés éloignées avaient recours le plus souvent à des armes à feu.
Les gouvernements qui acheminent des fonds pour lutter contre les armes à feu et les gangs en milieu urbain devraient prendre note des données, selon Mme Dawson, qui ajoute que les chiffres suggèrent la nécessité d’affecter une partie de ces fonds à la lutte contre la violence dans les zones rurales.
Les occasions d’emploi et le manque de ressources pour aider les personnes à quitter des relations abusives sont d’autres obstacles pour les personnes vivant dans des zones isolées, explique le rapport.
Des facteurs de risque similaires ont été identifiés pour les populations immigrées et réfugiées, qui peuvent être isolées en raison de barrières linguistiques ou sans soutien de la communauté approprié ou culturellement pertinent.
Pour les femmes autochtones, pour lesquelles le taux d’homicides conjugaux était deux fois plus élevé que la population non autochtone pendant la période couverte par le rapport, la recherche a révélé que des conditions socio-économiques médiocres et le racisme systémique jouent un rôle dans le maintien des personnes dans des circonstances violentes.
Afin de fournir une aide significative aux personnes exposées au risque de violence domestique, Mme Dawson croit que tout le monde, des chercheurs aux prestataires de services, devait commencer à s’intéresser aux forces de la société au sens large, et pas seulement aux circonstances individuelles.
«Nous devons reconnaître que nos efforts pour réduire les risques et la sécurité des personnes en situation de violence ne fonctionnent pas bien, a-t-elle déclaré. Nous devons examiner des moyens plus nuancés et ciblés de mieux réagir afin de saisir les réalités vécues par ceux qui subissent le plus la violence.»
Le rapport révèle également que 13% des cas étudiés impliquaient le décès de prétendues victimes collatérales d’homicide conjugal, généralement des membres de la famille, de nouveaux partenaires, des amis ou des voisins de la cible visée. Les enfants de la victime visée constituaient l’essentiel de ces décès, a indiqué le rapport.
Mme Dawson précise que les risques encourus par les femmes canadiennes sont généralement conformes aux chiffres mondiaux publiés le mois dernier par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Cette étude a révélé que 58% des homicides impliquant des femmes en 2017 étaient des homicides domestiques. Mme Dawson dit que l’Initiative canadienne de prévention de l’homicide domestique a l’intention de continuer à analyser les données jusqu’en 2021 au moins.
Parmi les populations vulnérables non prises en compte dans l’analyse du rapport figurent les femmes handicapées, un groupe démographique que Mme Dawson et Statistique Canada ont identifié comme présentant un risque particulier de violence à la maison.
Un rapport publié plus tôt cette année révélait que les personnes handicapées étaient deux fois plus susceptibles de subir la violence domestique que leurs homologues non handicapées. Il notait également que les femmes handicapées étaient deux fois plus susceptibles que les femmes non handicapées de signaler la violence conjugale, bien que les taux d’homicides n’aient pas été spécifiquement explorés.