Le Québec reste accro au pétrole, il achète toujours plus d’autos qui sont de plus en plus grosses et il risque de rater largement ses objectifs fixés pour lutter contre les changements climatiques. Voilà ce qui ressort du rapport de 2019 sur L’État de l’énergie au Québec. État des lieux.
Touche pas à mon char!
En 2016, 78% des 3,7 millions de Québécois ayant un emploi partait travailler en auto, et seulement 10% d’entre eux n’étaient pas seuls dans leur voiture. Autre mauvaise nouvelle, les ventes d’autos augmentent plus vite que la population et il se vend désormais plus de véhicules utilitaires sport et de camions légers que de petits véhicules. Pour renverser la tendance, Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal, et coauteur de l’étude, croit «qu’il faut moins de barrières réglementaires pour permettre aux startups, telles que Netlift, Communauto ou Uber, de proposer des alternatives intéressantes à la possession d’une auto». Il pense en outre qu’il faudra taxer les véhicules selon leur poids et leur utilisation du réseau routier, en plus d’offrir des tarifs plus avantageux en dehors des heures de pointe.
Conséquence à ces achats de véhicules, le Québec ne se défait pas de sa dépendance au pétrole et il continue à importer 137 millions de barils chaque année (comme en 2012). La seule différence, c’est qu’il provient désormais à 93% d’Amérique du Nord (contre 21% en 2012). «C’est une bonne nouvelle pour l’économie, car l’argent reste au Canada (53% de notre pétrole vient de l’Ouest)», indique M. Pineau. Quant à savoir si c’est meilleur pour l’environnement, le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie cite une étude publiée dans la revue Science, qui mentionne que le pétrole conventionnel (qui venait jusqu’à récemment à 30% d’Algérie) n’est pas toujours plus propre s’il provient de pays peu regardants en matière de réglementation environnementale.
Au 30 septembre 2018, 35 855 véhicules électriques (incluant les hybrides rechargeables) étaient immatriculés au Québec. C’est 85% de plus que l’année précédente. La cible de 100 000 autos électriques sur les routes en 2020 sera donc peut-être atteinte. «Effectivement, mais c’est une cible absurde, car il s’agit actuellement essentiellement d’acheter un deuxième véhicule électrique pour se donner bonne conscience, pas pour remplacer son auto principale à essence», note M. Pineau. Il souligne en outre que d’ici quelques années, Hydro-Québec pourrait avoir des problèmes de production d’électricité à l’heure de pointe du soir, si la technologie et des incitatifs tarifaires permettant de retarder la recharge des autos la nuit ne sont pas mis en place et utilisés.
En 2016, 16% de l’énergie consommée au Québec l’était dans le secteur résidentiel, essentiellement pour chauffer les logements. Si depuis 1990, les habitations consomment 37% moins d’énergie par mètre carré de surface, la taille moyenne des logements s’est accrue de 17%, ce qui a annulé une partie de l’économie. «De plus, le nombre total de logements a connu une hausse de 40%, alors que la population n’augmentait que de 19%», relate le rapport qui souligne que la consommation de ce secteur a finalement augmenté de 2,4% depuis 1990.
En 1990, année de référence pour les engagements adoptés pour lutter contre les changements climatiques sur la scène internationale, le Québec a émis l’équivalent de 87 millions de tonnes de CO2. En 2016, la province a émis 77 millions de tonnes de CO2. C’est une diminution de 11% sous le niveau de 1990. Si la tendance baissière se maintient, ce sera 73 millions de tonnes en 2020, soit une réduction de 16%, au lieu de la diminution de 20% promise par Québec. La cible de 2030 (-37,5%) sera encore moins atteignable, souligne le rapport, puisque la tendance actuelle au Québec ne mènerait la province qu’à une diminution de 28%.