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Féminité toxique

Depuis qu’on parle de masculinité toxique, il s’en trouve plusieurs pour dénoncer à leur tour une féminité toxique, concept dans lequel sont généralement incluses toutes les choses apparemment détestables chez les femmes. De manière plus confuse, on y inclut parfois des choses habituellement associées à la masculinité que certaines femmes font aussi. Par exemple, le fait que des femmes puissent avoir des comportements violents ou abusifs. C’est mal comprendre le concept de masculinité toxique. 

Le concept de masculinité toxique ne porte pas sur des caractéristiques qui seraient propres aux hommes, mais au contraire sur des comportements qui seraient socialement encouragés chez les hommes en vertu d’une certaine vision de la masculinité. S’il n’est pas faux de dire que certaines femmes sont violentes elles aussi, en revanche, on peut difficilement associer cette évidence à une féminité toxique, car on ne peut pas dire que ces comportements soient encouragés chez les femmes. C’est plutôt l’inverse. On enjoint généralement les femmes à être douces, à ne pas déranger. On dirige les jeunes filles vers des jeux qui valorisent l’empathie et le soin.

Il est pourtant possible de forger un concept de féminité toxique en le calquant sur celui de masculinité toxique. Plusieurs comportements néfastes sont encouragés chez les femmes. Par exemple, l’importance qu’on accorde à l’apparence des filles peut conduire ces dernières à adopter des comportements dangereux pour leur santé, de la même manière que le fait que les hommes ne soient pas encouragés à parler de leurs émotions peut nuire à leur santé mentale. Le fait que l’ambition soit découragée chez les filles peut nuire à leur avancement professionnel, tout comme l’empathie qu’on attend d’elles, qui les campe trop souvent dans des rôles d’aidantes, par exemple.

Si j’étais de mauvaise foi, je soulignerais que les comportements néfastes encouragés chez les femmes ont davantage tendance à se retourner contre elles, alors que les traits qu’on a associés à une forme toxique de masculinité peuvent aussi avoir des conséquences néfastes sur les femmes. Cela dit, ces hommes qui se plaignent d’avoir à déblayer la voiture en raison de la galanterie qui est attendue d’eux – pour ne citer que cet exemple – auraient aussi avantage à ce que les stéréotypes de genre soient atténués.

Car ce qui est toxique, pour tout le monde, c’est de renforcer les traits de chacun selon des critères arbitraires. Les sciences n’arriveront jamais réellement à trancher ce qui relève de la nature et ce qu’on peut attribuer à la culture. Les garçons sont-ils naturellement plus turbulents ou le deviennent-ils en réponse à ce qu’on encourage chez eux? Pour le savoir, il faudrait pouvoir isoler des cobayes de la société dès la naissance: c’est impossible. Par ailleurs, on remarque que certaines personnes ne correspondent pas à ces stéréotypes et qu’elles peuvent souffrir de ne pas répondre aux attentes qu’on entretient à leur égard. Dans tous les cas, personne n’a intérêt à ce que des traits de personnalité néfastes, qu’ils soient innés ou acquis, soient renforcés en fonction de marqueurs comme le sexe ou le genre.

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