L’histoire du poivron fait partie des très nombreuses anecdotes de ma vie de célibataire qui mériteraient d’être imprimées dans un recueil qu’on intitulerait quelque chose du genre Tinder fails et autres échecs amoureux. (Heureusement pour moi, je ne cumule plus ces histoires depuis bientôt deux ans, quand j’ai finalement rencontré l’amour… sur Tinder, contre toute attente! Comme quoi il ne faut vraiment pas se décourager malgré les dates de marde.)
Alors ça va comme suit: après un match avec Monsieur Poivron et une conversation sans erreur de français de sa part – un gros turn on pour beaucoup de gens un peu obsédés par la qualité de la langue, comme moi – on a décidé d’aller manger un morceau de gâteau dans un café. Ce fut un premier rendez-vous charmant à la fin duquel la serveuse nous a évidemment demandé: «Une ou deux factures?»
Durant la seconde et demie que ça m’a pris pour répondre qu’il y en aurait deux, Monsieur est resté silencieux. Et il n’a pas proposé ensuite de prendre l’addition. Comprenons-nous, je n’ai pas besoin d’un homme pour me payer un cheesecake et un cappuccino. Je ne suis pas du genre à attendre qu’un gars règle la facture à la première date, même que je préfère qu’on paye chacun nos affaires pour qu’il n’y ait pas de dette entre nous deux et que je me sente moins mal à l’aise si on ne se revoit pas après. Mais ce détail est important pour la suite de l’histoire.
C’est que Monsieur Poivron et moi nous sommes revus une fois, puis deux, puis finalement nous sommes fréquentés plusieurs soirs par semaine. Dans cette situation, j’aurais été du genre à alterner pour le paiement des additions, considérant qu’on passait assez de temps ensemble pour cesser de les séparer, mais il demandait systématiquement deux factures quand on sortait. Je me suis dit qu’il était particulièrement économe, ce qui ne me dérangeait pas vraiment, faisant moi-même plutôt attention à mes finances. Chacun ses dépenses, pourquoi pas? Après tout, il y avait aussi des soirées spontanées où on s’invitait à souper chez l’un ou l’autre et dans ces moments-là, celui qui recevait s’occupait de l’épicerie.
… Jusqu’à la soirée du poivron. Monsieur avait proposé d’apporter tout ce qu’il fallait pour qu’on se cuisine une bonne bouffe chez moi. On a fait des burgers de luxe avec – surprise – des poivrons, du bacon et du cheddar vieilli. Il a dormi chez moi et je suis partie travailler le lendemain matin, le laissant quitter plus tard, puis barrer la porte et cacher la clé sous le paillasson. C’est au retour du travail que j’ai compris à qui j’avais affaire. Il aurait fallu voir ma face ébahie quand, en ouvrant le frigo, j’ai constaté qu’il était reparti avec TOUS les ingrédients qu’il avait apportés chez moi la veille, incluant le DEMI-POIVRON ROUGE qu’il restait de notre souper. Oui, il était reparti avec deux pains briochés, un restant de fromage, de la sauce barbecue et une MOITIÉ DE PIMENT.
Imaginez. Je n’oserais même pas rapporter la moitié d’une caisse de douze en revenant d’un party! Chers amis célibataires, il y a des limites. Séparer les factures également, c’est économe. Mais repartir avec ses rognures de légumes, c’est cheap sur un moyen temps. Ne soyez pas cette personne. En amitié, en amour ou même en semi-relation/fréquentation/Tinder date régulière, la générosité a tellement meilleur goût.
Et si vous rencontrez un Monsieur Poivron, courez. Il n’y a rien à bâtir ou à partager avec une personne qui ne laisse même pas ses vieux piments dans votre frigo.