J’y ai pensé pendant plusieurs jours en les voyant passer. Pour atténuer mon malaise, j’ai essayé de comprendre les motifs qui ont poussé des milliers de personnes à les partager. Mais il faut que je me résigne : je n’arrive toujours pas à trouver touchantes ni même pertinentes les innombrables photos de gens devant la cathédrale Notre-Dame de Paris que j’ai vues défiler sur les réseaux sociaux depuis l’incendie.
Ce n’est pas la première fois que je me questionne sur ce drôle de réflexe qu’on a de se mettre soi-même en vedette quand on veut, à la base, rendre hommage à quelqu’un ou quelque chose. Prenons l’exemple des célébrités qui décèdent. Un chanteur, une comédienne ou un athlète meurt et le web est envahi de selfies de Monsieur et Madame Tout-le-monde avec la star en question.
« J’ai eu la chance de rencontrer Charles Aznavour en 1999. Un grand homme et un grand artiste. Bon voyage au ciel! #RIPAznavour »
C’est le genre de légende qu’on lit sous les photos qui se multiplient sur nos fils de nouvelles. Je fronce les sourcils en scrollant les pages. Peut-être que je suis de mauvaise foi, mais je n’arrive pas à croire que tous ces gens sont sincères. En fait, je suis convaincue que la majorité d’entre eux ne le sont pas. Sont-ils vraiment tristes d’avoir perdu cet artiste, ou ont-ils simplement envie de montrer qu’ils l’ont déjà rencontré?
Si la légende qui accompagne l’image est songée, profonde, qu’elle témoigne de l’influence que le défunt a eue sur la personne qui la partage, ça va. Je comprends alors qu’il y a une émotion réelle rattachée au souvenir de cette photo. Mais si, en guise de respect, on veut seulement saluer le défunt et la marque qu’il a laissée, je ne vois pas en quoi il est pertinent de rajouter notre face là-dedans.
Bien sûr que si j’avais eu un selfie avec Notre-Dame, je serais retournée fouiller dans mes archives et je l’aurais regardé avec un pincement au cœur. Mais, plutôt que ce selfie, j’aurais peut-être choisi de partager une photo de la cathédrale seule, dans toute sa splendeur, question de lui laisser la place qu’elle mérite.
Il me semble qu’en plein deuil d’un auteur, d’une chanteuse, d’un politicien ou même d’une cathédrale, personne n’est intéressé par notre face. Personne d’autre que nous-même.