Le gouvernement de François Legault va de l’avant avec une promesse phare de son programme électoral. Les immigrants économiques qui souhaitent s’installer au Québec devront bientôt passer avec succès un test «des valeurs démocratiques et des valeurs québécoises».
La nouvelle a été confirmée mercredi matin dans la Gazette officielle du Québec.
L’examen se basera sur les valeurs «exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne», apprend-on dans le document. Les personnes immigrantes qui obtiendront une note minimale de 75% se verront récompensées par une «attestation d’apprentissage». Cette dernière agira comme condition de sélection.
Le test comportera 20 questions, a précisé en conférence de presse le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Simon Jolin-Barrette. Il sera proposé à partir du 1er janvier 2020.
«Les Québécois sont fiers de leurs valeurs et de leur identité. Tout comme la connaissance du français, la connaissance des valeurs de la Charte est un atout majeur pour réussir son intégration», a soutenu le ministre.
Les négociations avec le gouvernement canadien se poursuivront afin de «lier la connaissance des valeurs québécoises à la résidence permanente».
«Ça va demander des discussions, mais j’ai bon espoir que le gouvernement fédéral va entendre la volonté du gouvernement du Québec. […] D’ailleurs, [le premier ministre Justin] Trudeau a dit qu’il était d’accord», a rappelé M. Jolin-Barrette.
Le premier ministre canadien réélu, qui avait longtemps évité la question, a affirmé durant la campagne électorale que le Québec avait tous les droits de mettre en place un tel examen.
Plusieurs options
Les ressortissants étrangers auront droit à deux tentatives pour réussir l’évaluation. Deux échecs entraîneront la possibilité de suivre un cours sur les valeurs énoncées. Une troisième tentative échouée du test mènera à la fermeture du dossier.
La formation alternative de 24h s’avère une autre option pour mettre la main sur l’attestation d’apprentissage.
Le ministre Jolin-Barrette a présenté quelques exemples de questions qui pourraient se retrouver dans le test :
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Promesse de la CAQ
La mise en place de ce test des valeurs a longtemps fait partie des intentions caquistes. Le parti de François Legault promettait dès les élections provinciales de 2018 de le concrétiser.
L’avocat l’immigration Guillaume Cliche-Rivard voit tout de même une différence importante entre le test proposé aujourd’hui et ce à quoi le ministre Jolin-Barrette avait fait allusion lors de l’étude du projet de loi 9 sur l’intégration des personnes immigrantes.
«On est vraiment à des années lumières de ce qu’on proposait. À l’époque on parlait de limiter l’accès à la résidence permanente. Ça aurait pu conduire des gens à perdre leur statut», analyse Me Cliche-Rivard.
«Là, on est plutôt dans une séance d’information ou un guide explicatif sur le Québec» – Me Guillaume Cliche-Rivard, avocat en immigration
Constance Le Gloanec, une étudiante française présentement installée au Québec, ne s’inquiète pas trop pour les immigrants déjà arrivés dans la province. Elle voit toutefois le règlement comme «discriminatoire» envers les nouveaux arrivants qui devront faire le test à distance, avant d’arriver.
«Si tu es à l’extérieur du Québec, tu passes l’examen: deux échecs et la troisième chance est la dernière», écrit-elle à Métro.
«C’est une implication financière importante pour ceux à l’extérieur, une quantité de stress monstrueuse», ajoute-t-elle.
Quelles valeurs?
L’obtention de l’attestation d’apprentissage se fera à travers cinq volets: «l’égalité entre les femmes et les hommes», «la société francophone», «la société laïque», «la société démocratique», ainsi que «les droits et responsabilités».
L’avocat Stéphane Handfield se dit satisfait que le test des valeurs ne s’applique pas à la concrétisation de la résidence permanente. Il souhaite toutefois s’assurer que le test se base bien sur la Charte.
«Je crains que ça déborde des principes énoncés par la Charte et qu’on cible, par exemple, une communauté en particulier», soutient-il.
Nouveaux seuils
M. Jolin-Barrette a également confirmé en conférence de presse que les seuils d’immigration augmenteraient «graduellement» à partir de 2020 au Québec.
«Nous avons toujours été clairs: la baisse des seuils était temporaire. En 2020, le Québec accueillera entre 43 000 et 44 500 personnes immigrantes. Nous rehaussons ainsi le nombre de personnes admises», a affirmé le ministre.
Cette hausse ne satisfait toujours pas la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). «Les mesures en immigration annoncées ce matin par le gouvernement aggraveront les enjeux de main-d’œuvre que subissent et continueront de subir de nombreux employeurs du Québec», a souligné l’organisme dans un communiqué de presse.
À terme, la FCCQ désire voir 60 000 immigrants arriver au Québec à chaque année. Le ministre Jolin-Barrette croit pour sa part que les nouveaux seuils annoncés permettront de «répondre adéquatement aux besoins des entreprises et des régions».