National

Le ministre boulimique

Frédéric Bérard

Il existe, comme ailleurs sociétalement, différents types d’individus, et la faune politique n’y échappe guère. Parmi les profils les plus agaçants figurent, au premier plan, celui du politicien méga-ambitieux souhaitant faire parler de lui.

Pour ce faire, il suffit d’envahir l’espace médiatique, lequel s’investit de deux manières: par l’artifice de type Kid Kodak ou par des annonces intempestives et incessantes de mesures aussi nombreuses que controversées.

Simon Jolin-Barrette, ministre omnipotent du gouvernement Legault, revêt naturellement les habits du deuxième profil. Et légiférer pour le seul plaisir d’attirer l’attention vient avec son lot de désagréments. Au premier chef: desservir le bien
commun.

Or, Jolin-Barrette n’aime pas laisser les feux de la rampe à ses collègues.

Diverses sources expliquent d’ailleurs à quel point il est l’antithèse du joueur d’équipe, prêt à tout pour conserver l’ensemble de l’attention et, pense-t-il, le titre de ministre chouchou du premier ministre.

Stratégie politiquement rentable, cela dit, puisque l’empire de l’information se nourrit davantage de quantité que de qualité, portant en effet peu d’attention, et si peu longtemps, au contenu des mesures adoptées.

Des exemples de politiques ou d’énoncés catastrophes du ministre boulimique? Il y en a plusieurs, et ce, malgré le minuscule délai d’un an depuis son arrivée en poste. Voici une liste (malheureusement) non exhaustive:

Jeter aux poubelles 18 000 dossiers d’immigration pourtant déposés dans les règles, ruinant ainsi l’avenir, et les longues attentes, d’immigrants ayant choisi le Québec.

La réforme du Programme de l’expérience québécoise réduit l’immigrant et ses proches à de la marchandise et nuit à la réputation du Québec.

Pire: ce déchiquetage a débuté AVANT l’adoption de la loi le permettant, ce qui obligea la Cour supérieure à joyeusement varloper Jolin-Barrette pour sa méconnaissance du droit, celui-ci ayant d’ailleurs qualifié le recours intenté de «saugrenu».

Il avait prétendu que sa Loi sur la laïcité suivrait «religieusement» le rapport Bouchard-Taylor.

Or, il devait, malgré les hauts cris des deux commissaires, l’étendre aux enseignant.es, visant manifestement les femmes d’un groupe religieux maintenant souffre-douleur.

Mieux: des sources indiquent que le projet de loi original visait à interdire également aux étudiant.es universitaires le droit de porter un signe religieux.

Il avait prétendu au micro de Michel C. Auger que sa loi s’appliquerait aux employés fédéraux (!) et aux juges (!). Deux autres méconnaissances des principes constitutionnels de base.

Il avait annoncé que la disposition dérogatoire n’avait pas à être invoquée pour empêcher la contestation de sa loi, celle-ci étant constitutionnelle (!). Voir conclusion précédente.

Après avoir annoncé qu’un échec au test de français ou de valeurs imposé aux immigrants entraînerait l’expulsion, il se ravise, réalisant que cette même expulsion est, le cas échéant, de compétence fédérale.

Idem pour l’idée d’imposer le test à l’étape de l’obtention de la résidence permanente. Voir conclusions précédentes.

Sans en aviser ses collègues ou, au moins, le bureau du premier ministre, il lance avec bravade aux médias son intention d’interdire le «Bonjour-Hi». Devant le tollé, Legault lui-même l’oblige à faire volte-face.

Un test des valeurs qui concerne uniquement des faits, et aucune… valeur.

Morale de l’histoire? Qu’il est temps que les compétences, et non la boulimie législative, fassent leur marque au sein de ces ministères parfaitement névralgiques pour l’intérêt commun.

La balle est dans votre camp, M. Legault.

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