Sous la pression de nombreux cris du coeur dans les milieux immigrants, le gouvernement provincial prend un pas de recul. Les travailleurs étrangers et les étudiants internationaux déjà arrivés au Québec auront le droit à une «clause grand-père» dans le cadre du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).
Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Simon Jolin-Barrette, l’a confirmé mercredi. Celui-ci avait jusqu’ici refusé d’implanter une telle mesure.
«Je constate que ça ne satisfait pas les gens et qu’il y a beaucoup de personnes encore inquiètes», a affirmé M. Jolin-Barrette.
«La clause va s’appliquer à l’ensemble des personnes qui étaient déjà admissibles dans le cadre du PEQ.» – Simon Jolin-Barrette
La clause grand-père s’appliquera jusqu’au 1er novembre dernier. Ceux qui «étaient admissibles» avant cette date pourront poursuivre leurs démarches auprès du gouvernement de la même manière.
Changement de cap
Le message était pourtant bien différent mardi, alors que le premier ministre François Legault avait fermé la porte à modifier sa réforme du système, malgré des cris du coeur de l’opposition et de personnes issues de l’immigration. «Il n’y a pas un étudiant qui est venu au Québec avec la garantie qu’il obtiendrait la citoyenneté», avait-il maintenu.
Mardi en soirée, le ministre Jolin-Barrette a confirmé au premier ministre son intention d’installer une clause de droits acquis. Cette décision est survenue «à la suite des inquiétudes entendues à l’Assemblée nationale et dans les médias», a-t-il confirmé.
Le PEQ permettait auparavant aux étudiants et aux travailleurs d’appliquer de façon «accélérée» à un Certificat de sélection du Québec, en vue de s’établir de façon permanente dans la province.
La Coalition avenir Québec (CAQ) avait toutefois apporté d’importants changements au programme dans les derniers jours. Rétroactivement au 1er juillet, le PEQ avait dorénavant une portée plus limitée en termes de programmes d’études et de domaines d’emplois admissibles.
L’avocat Guillaume Cliche-Rivard aurait préféré une meilleure consultation du gouvernement.
«On aurait pu prévoir moins de confusion et ,moins de montées aux barricades, souligne-t-il. Sous l’ancien gouvernement, on avait beaucoup de discussions avec le ministère. Ça, depuis février, on n’en a pas eues.»
Des doutes
Les réactions de soulagement surgissaient mercredi matin. Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a salué une décision «positive» de M. Jolin-Barrette. Laura Perez, une étudiante d’origine française, affirme «respirer à nouveau». «Hier mon avenir, avait été mis entre parenthèse», a-t-elle confié à Métro.
Un avocat à l’immigration évoque tout de même des imprécisions dans la nouvelle clause grand-père du gouvernement. «Qu’en est-il des personnes qui viennent d’arriver?», demande l’avocat basé à Montréal.
Tous les étudiants étrangers et travailleurs temporaires étrangers qui ont commencé leur programme d’étude ou leur travail avant le 1er novembre seront jugés, s’ils appliquent au PEQ, selon les anciens critères d’admissibilité», a précisé l’attaché de presse du ministre Jolin-Barrette.
Me Hénaut fait allusion à un possible allongement des délais de traitement de l’ancienne mouture du PEQ. «Une personne qui est arrivée il y a deux mois – il lui manque encore douze mois éventuellement [avant de pouvoir appliquer au PEQ] –, est-ce qu’elle va venir suspendre la réforme jusqu’à dans douze mois?», poursuit-il.
«Ça fait du cas par cas qui est quasiment ingérable.» -Me Alexandre Hénaut, avocat en immigration
Pour s’assurer d’une meilleure gestion au ministère de l’Immigration, le gouvernement aurait avantage à imposer un moratoire, selon Me Hénaut. Cela permettrait le dépôt de demandes par tous les immigrants admissibles au PEQ dans les trois prochains mois.
À long terme, Me Guillaume Cliche-Rivard craint de son côté d’importants impacts dans les universités après l’écoulement de la clause grand-père. «Il y a des programmes qui vont avoir aucune attractivité. Ça va être très difficile de recruter», affirme-t-il.