De premières publicités anti-loi 21 commanditées par le gouvernement du Manitoba sont apparues dans les médias québécois jeudi. On y invite les Québécois touchés par la mesure controversée à «bâtir leur carrière dans la fonction publique au Manitoba».
L’annonce cite «21 raisons de se sentir chez soi au Manitoba». On y aperçoit une femme voilée, une autre portant une croix au cou et un homme coiffé d’une kippa.
«Les fonctionnaires du Manitoba sont accueillis à bras ouverts et mis à l’honneur, quelles que soient leur religion ou leur culture, peut-on y lire. Au Manitoba, la diversité est respectée et valorisée.»
Parmi les 21 raisons d’habiter dans la province, la publicité évoque qu’on y «parle français» et qu’on y accueille des «cultures diversifiées». Pour les Québécois qui s’ennuieraient du hockey, l’annonce fait aussi remarquer la présence d’une équipe de la Ligue nationale de hockey, les Jets de Winnipeg.
Interrogé sur cette campagne à l’Assemblée nationale, le premier ministre du Québec, François Legault, a répondu avec ironie.
«Ils devraient mettre cet argent-là pour donner plus de services en français au Manitoba. Et [M. Pallister] devrait commencer par garder ses propres joueurs de hockey! Entre autres, [le défenseur] Dustin Byfuglien, qui n’est pas capable de rester avec les Jets», a-t-il lancé avec humour.
Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a affirmé sans détour qu’il ne craignait pas que ces publicités engendrent le départ de Québécois vers le Manitoba.
Offensive stratégique
Le premier ministre de la province des Prairies, Brian Pallister, avait confirmé mercredi vouloir émettre ces publicités. Le budget initial s’élèverait à 20 000$.
M. Pallister critique vertement le texte législatif depuis son adoption à l’Assemblée nationale, en juin. Il en a d’ailleurs fait un objet important de sa première rencontre avec le premier ministre canadien réélu, Justin Trudeau, au début du mois de novembre.
Le Manitoba n’est pas tout seul au Canada. Le Parlement de l’Ontario a adopté cette semaine une motion exigeant l’abrogation de la loi sur la laïcité québécoise. Cette motion en suit une autre de la Ville de Toronto, adoptée unanimement à la toute fin du mois d’octobre.
En entrevue avec Métro hier, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, avait dénoncé le geste du Parlement ontarien.
«Comme si l’Ontario avait quelque juridiction que ce soit sur ce qui se passe au Québec. C’est terriblement pas de leur affaire», avait-il soutenu au bout du fil.
«Les provinces canadiennes pensent qu’elles sont les boss du Québec. Elles pensent qu’elles ont le droit de dire ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire. […] On ne fait qu’exprimer notre désaccord avec l’orientation pétrolière de l’Ouest et on se fait accuser de tous les maux du monde.» – Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois
Le premier ministre Justin Trudeau a maintes fois avancé qu’il est prêt à contester la loi si elle sort du cadre juridique provincial.
Contestations en cour
La Loi sur la laïcité de l’État empêche aux employés de la fonction publique de porter des signes religieux – comme des voiles musulmans ou des kippas juives – dans l’exercice de leur emploi. Elle s’étend au-delà des pouvoirs de coercition et touche, par exemple, les enseignants du domaine public.
Plusieurs opposants au projet de laïcité de la CAQ plaidaient à la Cour d’appel du Québec, cette semaine. Selon eux, la mesure a «un impact disproportionné sur les femmes».