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Le point de bascule

Sylvain Ménard

C’est vers la fin de 2020 que Régine Laurent, la présidente de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, soumettra son rapport et proposera ses recommandations.

Peu importe la teneur de celles-ci, je suis certain que la société québécoise va manger une formidable claque en pleine face en prenant connaissance des conclusions de cet exercice tout aussi cruel qu’essentiel.

Tout simplement parce que ce rapport marquera pour le Québec le passage du rêve à la réalité.

L’heure du réveil vient de sonner.

Cette commission dépassera, et de loin, les objectifs de son mandat initial, qui est de faire la lumière sur le fonctionnement de la DPJ et sur la manière de protéger nos jeunes en difficulté.

Bien au-delà de la problématique des enfants de la DPJ, elle mettra en relief à peu près tout ce qui ne tourne pas rond dans la société québécoise.

Bien sûr, les vices de procédure de la DPJ seront soulignés et même surlignés. En plus, cette commission spéciale nous permettra de comprendre que les mécanismes déjà en place pour assurer la solidité de notre tissu social échappent plein de mailles.

«L’heure du réveil vient de sonner.»

Qu’un peu partout, dans notre colossale structure qui comprend les services sociaux, la santé et l’éducation, la majorité de nos travailleurs et travailleuses sont en manque de ressources et plus que jamais au bout
du rouleau.

On les entendra, ces travailleurs sociaux qui doivent mettre leur téléphone cellulaire personnel au service de l’État.

Ces travailleuses de la santé qui sont o-b-l-i-g-é-e-s de prolonger leurs quarts de travail au détriment de leur qualité de vie et de leur famille.

Ces professeurs en burnout qui tombent comme des mouches.

Après ça, on se demandera pourquoi le roulement d’effectif est aussi infernal dans tous ces services.

Connaissez-vous beaucoup d’étudiants prêts à prendre la relève en ayant comme objectif professionnel de travailler dans pareilles conditions?

Loin de moi l’idée de jeter le blâme sur les penseurs de la Révolution tranquille en les accusant d’avoir créé un monstre. Sans leur contribution, notre situation serait encore plus dramatique. Personne n’aurait pu prévoir ce qu’allait devenir le monde 60 ans plus tard.

Personne ne pouvait imaginer qu’un jour les enfants devraient affronter des problématiques aussi compliquées, que les salles d’urgence de nos hôpitaux les plus modernes allaient fonctionner à 150%, que l’éducation deviendrait un mal nécessaire plutôt qu’un privilège pour l’ensemble de la jeunesse, sans égard au compte de banque des parents.

C’est à tout ça que la commission Laurent finira par toucher, de près ou de loin, au cours de ses prochaines audiences qui se tiendront un peu partout au Québec au cours de la prochaine année.

En donnant la parole à nos travailleurs fourbus et démotivés, à nos directions d’école en manque de ressources qui en sont réduites à laisser de côté des enfants en difficulté sans pouvoir intervenir adéquatement.

En écoutant des travailleurs de la santé, de notre santé physique et mentale, qui dresseront un portrait assez laid de ce que nous sommes. Je vous le dis, le réveil sera brutal et sans appel.

Nous avons un an pour nous préparer au grand coup de réalité que nous nous apprêtons à encaisser. Un an, c’est très court et, en même temps, c’est bien suffisant pour prendre conscience que tout devra changer en ne nous contentant plus du minimum, mais en visant plutôt le contraire.

Mme Laurent, en acceptant de présider cette commission spéciale, saviez-vous à quel point votre tâche allait être aussi capitale? Ce sont vos recommandations qui aiguilleront les vecteurs du Québec de demain.

Mme Laurent, on peut vous l’annoncer immédiatement: vous serez la femme de l’année 2020.

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