Le constructeur ferroviaire français Alstom a annoncé lundi avoir signé un protocole d’accord avec Bombardier et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour racheter 100% de Bombardier Transport, la branche ferroviaire du conglomérat canadien, pour un prix compris entre 5,8 et 6,2 milliards d’euros.
Le groupe canadien, en difficultés financières, compte affecter le produit de la vente à la réduction de sa dette, qui s’élevait fin 2019 à 9,3 milliards de dollars.
Pour Alstom, «cette acquisition renforcera notre présence internationale ainsi que notre capacité à répondre à la demande toujours plus importante de solutions de mobilité durable. Bombardier Transport apportera à Alstom une complémentarité géographique et industrielle sur des marchés en croissance, ainsi que des plateformes technologiques additionnelles», a commenté le DG Henri Poupart-Lafarge, cité dans un communiqué.
Bombardier Transport, une entité basée à Berlin, a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 8,3 milliards de dollars américains (10,9 milliards de dollars canadiens au cours actuel), terminant l’année avec un carnet de commandes de 35,8 milliards de dollars (47,36 milliards de dollars). Elle emploie environ 36 000 personnes.
Bombardier dispose notamment à Crespin (Nord) de la plus grosse usine ferroviaire de France – Alstom exploitant de nombreux sites plus petits – avec 2000 employés.
Alstom a de son côté bouclé son dernier exercice 2018-19 (clos fin mars) avec un chiffre d’affaires global de 8,1 milliards d’euros, et un carnet de commandes record de 43 milliards d’euros au 31 décembre 2019. Le fabricant du TGV emploie 36 300 personnes, dont 9500 en France.
Les deux groupes disposent d’un quasi monopole sur le matériel roulant en France, où ils collaborent régulièrement comme sur le métro et le RER de Paris.
Faire face à la Chine
Avec un chiffre d’affaires cumulé de plus de 15 milliards d’euros et un carnet de commandes dépassant les 75 milliards, un mariage Alstom-Bombardier doit notamment permettre de créer un groupe assez puissant pour faire face au mastodonte chinois CRRC, dont le chiffre d’affaires atteignait l’équivalent de 28 milliards d’euros en 2018.
CRRC réalise certes plus de 90% de ses ventes en Chine, mais progresse dans le reste du monde et vient notamment de placer des tramways à Porto, au Portugal.
La menace chinoise et la nécessité de progresser dans les technologiques numériques avaient déjà été évoquées pour justifier la reprise d’Alstom par Siemens, bloquée en février 2019 par la Commission européenne. Celle-ci avait alors pointé une position trop dominante en Europe dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse.
Il restera à voir quelle sera la réaction de Bruxelles quant à ce nouveau mariage dans le ferroviaire. Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, doit s’entretenir mardi avec la vice-présidente de la Commission Margrethe Vestager, dont le veto avait l’an dernier soulevé de nombreuses critiques à Paris et à Berlin.
La Commission européenne s’est refusée à tout commentaire lundi.
Recentré depuis novembre 2015 sur le transport ferroviaire après la cession de sa branche énergie à l’américain General Electric (GE), le groupe français jouit d’une situation financière saine.
La CDPQ, qui détient actuellement 32,5% de Bombardier Transport, doit devenir au terme de l’opération son premier actionnaire avec environ 18% du capital, selon le groupe français.
La Caisse doit en effet réinvestir dans Alstom l’intégralité du produit net de la cession de sa participation dans Bombardier Transport et investir 700 millions d’euros supplémentaires dans le groupe.
Alstom s’est d’ailleurs engagé à développer ses activités au Québec et à installer le siège de ses opérations américaines à Montréal.
Bouygues, premier actionnaire du groupe ferroviaire français avec 15% du capital, en conservera environ 10%, selon le communiqué d’Alstom.
«Nous sommes convaincus que la vente de nos activités de transport sur rail à Alstom est la bonne chose à faire pour toutes les parties prenantes», a noté le patron de Bombardier Alain Bellemare, dans un communiqué séparé.
La transaction, payée pour partie en numéraire et pour partie en actions nouvellement émises par Alstom, doit encore être approuvée par les autorités de la concurrence, notamment Bruxelles.
«La réalisation de l’opération est attendue pour le 1er semestre 2021», a indiqué Alstom.