La crise du coronavirus met en danger pas moins de 25 millions d’emplois liés de près ou de loin au secteur de l’aviation internationale. Seulement pour l’année 2020, l’industrie se prépare à perdre au moins la moitié de son chiffre d’affaires, soit plus de 320 G$.
C’est ce qu’a expliqué jeudi le directeur général de l’Association du transport aérien international, Alexandre de Juniac, lors d’une conférence organisée par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
«Partout dans le monde, la crise est sans précédent. Les ordres de grandeur sont absolument gigantesques», a-t-il dit. L’urgence «très grave» pour la quasi-totalité des compagnies aériennes appelle selon lui à des actions nouvelles.
Selon l’ancien PDG d’Air France, le milieu de l’aviation pourrait effectivement «brûler» jusqu’à 61 G$ en fonds privés, seulement au deuxième trimestre de 2020. «On estime qu’environ 95% des avions sont au sol en ce moment. Pour moi, c’est du jamais-vu depuis la fin de la seconde guerre mondiale», a convenu l’homme d’affaires.
«Si on veut que la reprise économique soit rapide et puissante, il va falloir qu’il y ait un transport aérien qui soit capable de l’accompagner.» -Alexandre de Juniac, directeur de l’ATAI
Suppressions de postes à la tonne
Depuis plusieurs semaines déjà, les suppressions de poste, les mises à pied et les coupes se multiplient chez les transporteurs aériens.
Air Transat a annoncé jeudi qu’elle ne reprendra aucun vol avant le 30 juin prochain. Il s’agit du second report pour le fleuron québécois, qui avait déjà suspendu ses activités jusqu’au 31 mai il y a quelques semaines. «Il s’agit de circonstances tout à fait extraordinaires. Toutes les compagnies aériennes et de voyage sont contraintes d’arrêter temporairement ou de réduire drastiquement leurs activités», illustre l’entreprise.
Lundi, Air Canada soulignait pour sa part qu’il lui faudra trois ans pour revenir à la normale en termes de capacité de service. Les pertes au premier trimestre s’évaluent à environ 1,05 G$, et l’entreprise a dû mettre à pied plus des milliers d’employés. Le chef de la direction, Calin Rovinescu, a indiqué qu’il s’agit de la période «la plus sombre de toute l’histoire de l’aviation commerciale».
De l’autre côté de l’océan, le Britannique Virgin Atlantic annonçait mardi qu’il supprimera 3000 emplois en raison de la crise. Selon l’entreprise, la pandémie déstabilise l’ensemble du secteur aérien britannique. Les appels au gouvernement pour un plan d’aide ciblé se multiplient depuis les derniers jours. «Nous avons traversé beaucoup de tempêtes depuis notre premier vol il y a 36 ans, mais aucune n’a été aussi dévastatrice que la COVID-19», a dit le directeur général Shai Weiss, en entrevue avec l’Agence France-Presse.
Vers une «renationalisation»?
Parmi les solutions à envisager pour sauver l’industrie, M. de Juniac envisage entre autres que les gouvernements investissent dans leurs entreprises nationales, afin de soutenir celles-ci dans leur reconstruction.
«C’est très probable qu’à la fin de la crise, dans quelques mois, il y ait un certain nombre de compagnies qui soient nationalisées. L’État, en contrepartie, peut demander des participations», dit l’expert en aviation.
Il souligne que ces nouvelles réalités transformeraient profondément la structure même de l’industrie.
Au final, en prenant pour acquis que des programmes d’aide seront mis sur pied, et que les grands joueurs pourront rapidement reprendre leurs activités, le principal intéressé s’attend à ce que les entreprises puissent «rattraper les tendances historiques de 2019 vers la fin 2021».